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abondante, il en conserve dans ses greniers une forte portion en attendant le relèvement des mercuriales, et il se passe ce fait curieux : l’agriculteur spécule lui-même en détenant ces fameux stocks qui le ruinent et écrasent les cours !

A l’appui de cette thèse qui rend très clair dorénavant ce qui paraissait jusqu’alors incompréhensible, il suffit de citer l’extrait d’une étude de M. Grandeau, l’éminent agronome, le publiciste bien connu. Après avoir comparé la production de la France en céréales alimentaires, les importations annuelles de froment et la consommation annuelle du pays, il est amené à constater la sur abondance ! du blé et l’existence d’un stock considérable, et il conclut ainsi :

« Si, après examen attentif, la situation que me paraît révéler l’ensemble des données que je soumets à la vérification et à la discussion des hommes compétens était reconnue exacte, n’y aurait-il pas lieu pour le groupe agricole du Parlement de demander une enquête sérieuse sur le stock invisible de blé existant actuellement dans les exploitations rurales ou ailleurs ? La question est si grave, les conclusions à adopter pour y porter remède semblent si étroitement liées à cette constatation que les agriculteurs jugeaient, sans doute, qu’ils seraient les premiers intéressés à fournir tous les renseignemens nécessaires pour établir l’importance du stock et les moyens d’éviter le retour de la situation actuelle. Si l’enquête ne confirmait pas les prévisions auxquelles j’ai été conduit, si la France n’a pas la réserve en froment qui résulterait de l’exactitude des calculs précédens, on devrait alors chercher ailleurs que dans la surabondance du blé dans nos greniers l’explication de la baisse absolument anormale et si désastreuse du prix du blé ; mais je serais bien surpris du résultat négatif de l’enquête. »

Qu’est-ce à dire, sinon que la victime est elle-même coupable du mal dont elle souffre ? Elle n’en demande pas moins le sacrifice d’un innocent, la mort du grand commerce. L’entrepôt et l’admission temporaire sont l’objet des propositions les plus menaçantes pour leur existence ; on méconnaît systématiquement les services qu’elles rendent et les dangers que ferait naître leur suppression.


III

Ainsi que le fait si justement observer M. Augustin Féraud. président de la Chambre de commerce de Marseille, dans une lettre qu’il vient d’adresser à M. le ministre du commerce, les facultés d’entrepôt et d’admission temporaire ont été, dans