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époux, plus d’une, non des plus méprisables, observe dans la pratique d’assez larges accommodemens ; elle accepte des fiancés de caste inférieure. C’est un esprit de transaction qu’imposent des circonstances spéciales. Il renouvelle un état de choses qui a dû être anciennement considéré d’un œil moins sévère que depuis.

Ces exceptions n’entament pas le principe ; l’endogamie de la caste ou de la tribu est au contraire une des règles les plus cons tantes. Elle a sa contre-partie non moins essentielle dans l’exogamie de la famille ou du clan.

Le nom de ce petit cercle exogame, enveloppé dans la périphérie plus large de la caste, n’est point aisé à choisir. Les limites, la définition, la dénomination en varient à l’extrême. En revanche, il existe invariablement, ou à peu près ; ses. effets se font sentir partout. La confusion est si grande que les casuistes hindous ont dû renoncer à établir une réglementation systématique ; ils ont accepté comme faisant loi l’usage reconnu dans chaque famille ou dans chaque groupe. Malgré tout, la règle générale se détache en un relief très saillant. Elle se résume d’un mot ; il est interdit de se marier dans le gotra auquel on appartient. Telle est au moins la loi traditionnelle consacrée par les brahmanes. Le gotra désigne un groupe éponyme qui est réputé descendre tout entier d’un ancêtre commun, en bonne règle, d’un rishi, prêtre ou saint légendaire. Le nombre en est limité, en sorte que les mêmes gotras se retrouvent parmi des gens que la caste sépare absolument, si peu logique que l’arrangement nous puisse paraître. Le gotra est essentiellement propre à la caste brahmanique. Il est vrai que la législation religieuse l’étend aux autres hautes castes. Kshatriyas et Vaïçyas. C’est au prix d’artifices qui se jugent d’eux-mêmes. Des rishis brahmaniques n’ont guère, en bonne logique, pu faire souche que de Brahmanes. Il n’est pas plus sérieux d’attribuer à des familles le gotra de leurs prêtres, de leurs précepteurs religieux, nécessairement variables, que de comprendre toutes les familles qui ignorent leur gotra dans celui qui reconnaît Jamadagni pour auteur. En fait, les brahmanes sont seuls à posséder un peu généralement des gotras. Mais une imitation plus ou moins fidèle de l’institution et son nom même ont été transportés à une infinité de castes, surtout parmi les classes mercantiles qui se piquent de se conformer à la règle brahmanique. Le nom a pénétré si avant qu’il a fini, dans bien des cas, par s’éloigner fort de son acception primitive ; plus d’une confusion en est même résultée dans les relevés des recensemens.

Le groupe exogame existe jusque dans les tribus musulmanes de la zone frontière qui ne rentrent qu’à peine dans le cadre de l’hindouisme. Parfois il y est très restreint ; il ne manque nulle