Page:Revue des Deux Mondes - 1894 - tome 121.djvu/934

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Ce sont des bucoliques de vrais paysans, tantôt les vieux thèmes de l’aube, de la pastourelle, de la chanson de danse, qui survivent depuis le XIIe siècle, tantôt les plaintes de la mal-mariée ou de la fillette qui trouve bien lent à venir celui qu’elle attend :

Hélas ! mon joli temps se passe !
À qui dir’elle sa pensée
La fille qui n’a point d’ami ?…

Tantôt, c’est un galant qui dit son déconfort « sous une épine fleurie » ou « le long d’une saulaie » ; il prend à témoin le « rossignol du bois plaisant », la « nuitée d’avril » ou les fleurs des sentiers de France, fleurs de deuil, la sauge et le souci, ou fleurs de gaîté, romarin, muguet, marjolaine et giroflée ; il chante la longueur des journées sans amour :

Hélas ! comment passeray donc
Ce moys de may qui est si lonc ?…

Il dépeint très simplement son amie, « douce comme un agnelet, vermeillette comme une rose » ; il imagine pour elle des symboles gracieux :

Vecy la douce nuit de may,
La nuit bien courte trouverai.

Devers ma dame m’en iray,
Et lui porteray le may ;

Le may que je lui porteray
Ne sera point un esglantier,

Mais ce sera mon cœur entier
Que par amour lui donneray.

Puis ce son ! des Oarystis, et des scènes mutines de jalousie vile apaisée, ou des motifs tristes et incomplets dont l’imprécision même fait le charme indicible. Et, tout auprès de ces chansons d’un sentimentalisme un peu mièvre, on entend aussi sonner le rire gaulois, dur aux jaloux et aux maris :

Lourdault ! lourdault ! lourdault ! partie que tu feras !…
Il fait bon fermer son huys
Quand la nuyt est venue !…

Voici encore des rondes enfantines, des chants mâles d’aventuriers et de routiers, et ces thèmes dramatiques, si simples où se complaît la Muse paysanne :

— Gentils gallans de France
Qui en la guerre allez,
Je vous prie qu’il vous plaist
Mon amy saluer.
— Comment e saluroye
Quand point ne le connois ?