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entre Viçvàmitra et Vasishtha, une longue rivalité ; peut-être la faveur du roi Soudas, la charge de chapelain auprès de lui, en était-elle l’enjeu. Les textes sont obscurs, et leur combinaison douteuse. Quoi qu’il en soit, le thème primitif s’est, dans l’épopée, brodé de copieuses variations ; il se précise en une lutte violente qui s’engage entre les deux personnages, à qui possédera la vache miraculeuse, Sourabhi, qui réalise tous les vœux ; surtout il se charge d’austérités prodigieuses, au bout desquelles Viçvàmitra, qui appartient d’origine à la lignée royale des Kouçikas, devient brahmane.

C’est une étrange illusion de prétendre empruntera de pareils récits des documens pour l’histoire de la caste. Tout ce qu’ils peuvent indiquer, c’est que, malgré la prétention de la classe brahmanique, le monopole de la vie et de l’activité religieuse ne lui a jamais, en fait, été absolument réservé ; c’est surtout que, à l’époque où ils ont été arrêtés, les ambitions brahmaniques avaient reçu leur consécration définitive dans le système qui fait loi. Admettre qu’un kshatriya n’avait pu toucher aux choses sacrées qu’en devenant brahmane, c’était, aux yeux des brahmanes, rendre encore hommage à leur privilège. Une exception si rare, achetée si chèrement, confirmait la règle. On n’y saurait voir la preuve que des changemens de caste aient été officiellement reconnus, moins encore que la légende soit plus vieille que le régime des castes. Tout au plus peut-on en induire que la règle qui a réservé aux seules castes de brahmanes le ministère religieux, étrangère à la constitution archaïque des rites qui ne supposait pas un sacerdoce privilégié, soutirait, dans la haute antiquité, plus d’exceptions encore qu’à des époques plus modernes, plus éloignées du primitif sacerdoce familial.

Il peut être piquant, il est à coup sûr périlleux de monnayer des légendes en histoire. Le procédé exige d’extrêmes ménagemens. On a laborieusement colligé les récits empruntés soit à l’épopée, soit aux pourânas, où sont remémorées les violences de certains rois à l’égard des brahmanes et les châtimens dont elles sont punies. C’est Vena interdisant aux prêtres de sacrifier, Pouroûravas leur enlevant leurs joyaux, Nahousha faisant traîner son char par mille brahmanes, d’autres contes encore. On y a dénoncé le souvenir de la lutte entre brahmanes et nobles pour la prééminence. Il est, sans scandale, permis de douter si tous reposent sur un fondement de fait si solide et si précis. Le plus suggestif est assurément l’histoire de Paraçou-Râma. Fils de Jamadagni, il’appartenait à la lignée des Bhrigouïdes. Un jour, le roi Arjouna. accueilli dans l’ermitage de Jamadagni, reconnaît