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de rédaction hâtive demandait des retouches : on ne pouvait donc songer à la publication tant qu’il n’aurait pas procédé à une révision nécessaire.

Ces raisons n’ayant point paru suffisantes à MM. Paul Grand et Courtot, une véritable sommation fut adressée par eux à M. de Saint-Albin. Menacé d’un procès, celui-ci eut l’habileté d’enlever à ses adversaires un auxiliaire sans lequel ils ne pouvaient rien contre lui. Il obtint de Mme de Barras qu’elle lui cédât tous ses droits sur les Mémoires de son mari. Un acte de cession fut passé en effet par-devant Me Damaison, notaire, le 18 décembre 1832. Mme de Barras, était-il dit dans cet acte, « a toujours considéré comme un témoignage de haute confiance le choix que le général a fait de M. de Saint-Albin pour la rédaction de ses Mémoires. Elle ne peut que respecter cette confiance : aussi croit-elle remplir religieusement les intentions de son mari en laissant, pour ce qui la concerne, M. de Saint-Albin maître absolu du mode et de l’époque de la publication des Mémoires du général… En conséquence, Mme de Barras a déclaré par ces présentes renoncer gratuitement en faveur de M. de Saint-Albin… à tous les droits de propriété et autres qu’elle peut avoir sur les Mémoires de M. le général de Barras, en vertu des testamens et codicille olographes de celui-ci… voulant Mme de Barras que ses droits accroissent à M. de Saint-Albin exclusivement et qu’à ce moyen ce dernier réunisse désormais dans sa personne et ses propres droits et ceux de Mmo de Barras, qui ne met qu’une seule condition à sa renonciation : à quelque époque que les Mémoires soient publiés], aucune responsabilité matérielle ni morale ne devra peser sur elle… etc. »

Cette renonciation de Mme de Barras enlevait toute chance de succès à l’action judiciaire que MM. Paul Grand et Courtot se préparaient à intenter. Ils le comprirent et se résignèrent à accepter une transaction par laquelle, moyennant une somme d’argent que M. de Saint-Albin dut verser à chacun d’eux, ils renonçaient l’un et l’autre en sa faveur à tout droit sur les bénéfices éventuels de la publication des Mémoires et le laissaient seul juge du mode et de l’opportunité de cette publication[1].


IV. — POURQUOI LES MÉMOIRES DE BARRAS, DEVENUS A PARTIR DE 1834 LA PROPRIÉTÉ EXCLUSIVE DE M. ROUSSELIN DE SAINT-ALBIN, NE FURENT PAS PUBLIÉS PAR LUI.

Il semblait dès lors que M. de Saint-Albin n’eût plus qu’à

  1. Transaction du 19 juin 1833, entre MM. de Saint-Albin et Paul Grand ; cession du 31 mai 1834, par M. Courtot à M. de Saint-Albin, par-devant Me Damaison, notaire à Paris.