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Médicis, se voyait plus loin du pouvoir qu’avant d’y avoir touché. Le Père Joseph poursuivait toujours son projet de croisade ; mais quand il se rendit à Madrid en 1618 pour assurer à sa pieuse entreprise le concours de Sa Majesté Catholique, il fut très étonné de trouver Philippe III et ses ministres beaucoup moins préoccupés du sort des chrétiens d’Orient que de la succession de l’empereur Mathias, alors sur le point de s’ouvrir. Il s’agissait d’assurer cette succession à l’archiduc Ferdinand, dont les sentimens politiques et religieux inspiraient toute confiance au chef de la branche espagnole de la maison d’Autriche. Bientôt il fut question d’un projet qui intéressait encore plus directement le gouvernement de Madrid. L’électeur palatin étant entré en lutte contre Ferdinand et lui disputant la couronne de Bohème, la cour d’Espagne trouva l’occasion favorable pour lui enlever ses possessions sur le Rhin. En fait de croisade, elle n’en voyait pas de plus urgente que celle qui lui permettrait d’établir des communications sûres et faciles entre les Pays-Bas catholiques et la Franche-Comté.

C’était la guerre de Trente ans qui commençait. L’intimité déjà était moins grande entre la France et l’Espagne. Luynes avait parfois des velléités de revenir à la politique nationale suivie par Henri IV ; mais, outre qu’il était peu capable de suite dans les idées, son ministère, qui dura jusqu’à sa mort, c’est-à-dire pendant cinq ans, fut troublé par deux prises d’armes de Marie de Médicis et par une levée de boucliers des protestans. La France continua donc à marcher dans le sillon de la politique espagnole sans y apporter le même entrain qu’autrefois. Les graves événemens qui se préparaient auraient exigé une main plus ferme que celle du favori de Louis XIII. Les yeux se tournèrent de nouveau vers l’évêque de Luçon, qui faisait tout d’ailleurs pour rendre possible sa rentrée au pouvoir. Jamais peut-être il ne se montra plus habile qu’à cette époque de sa vie. Il eut l’art, dans une situation difficile, de donner des espérances à tout le monde. Ses relations avec la reine mère inspiraient confiance au parti dévot, qui ne faisait qu’un avec le parti espagnol. Pendant ce temps de purs politiques, voire des incrédules, comme Fancan, mieux instruits de ses desseins, voyaient en lui l’homme destiné à reprendre la tradition nationale, l’œuvre d’Henri IV et la lutte contre la maison d’Autriche. Resté l’un des conseillers de Marie de Médicis, il combattit toujours les résolutions violentes que d’autres lui suggéraient. Par là il lui rendait service et en même temps il se faisait un mérite de sa modération aux yeux du roi et du favori. Enfin en 1620 il parvint à négocier et à conclure ; entre la reine mère et son fils un traité dans lequel, tout eu