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On aurait pu, ce nous semble, consulter les évêques ou quelques-uns d’entre eux sur l’application de ces formalités, qui, du reste, comme le dit la circulaire ministérielle du 15 décembre dernier, « ont été réduites au minimum strictement indispensable dans la comptabilité publique. » Le conseil d’État a recueilli l’avis des hauts dignitaires du clergé protestant et israélite ; il eût été juste de ne pas traiter l’Église catholique autrement que le temple ou la synagogue. À cela l’on a objecté que le consistoire central ou le conseil des rabbins sont les délégations officielles des cultes réformés et juifs, tandis que le culte catholique n’a pas d’autres représentans autorisés que les 86 évêques français, lesquels il eût été impossible de convoquer en une sorte de concile national, pour l’élaboration d’un règlement plus financier en somme que religieux. Cependant, comme il ne s’agissait que d’une question de forme, nous persistons à penser que l’audition de cinq ou six prélats, animés d’un esprit de modération, aurait imposé silence aux colères factices de quelques intéressés. Il ne s’est d’ailleurs trouvé dans tout l’épiscopat que deux ou trois membres pour tirer à cette occasion mie de ces petites fusées protestataires, dont ils ont le monopole, à la plus grande joie de quelques journalistes rageurs et peu dévots.

Ceci prouve qu’opportun ou inopportun, inutile ou avantageux, le nouveau règlement sur les comptes des fabriques n’est pas un acte de persécution religieuse, et qu’il est hors de propos d’évoquer à son sujet les souvenirs de Dioclétien. Une réforme que Mgr Frayssinous, évêque d’Hermopolis et ministre des affaires ecclésiastiques sous Charles X, recommandait en 1827 par une circulaire adressée aux évêques d’alors, lorsqu’il signalait « les abus existans dans la comptabilité des fabriques » qui, disait-il, « pourraient disparaître si la gestion de ces caisses était confiée aux comptables des deniers publics », une pareille réforme ne peut être considérée à aucun degré, ni par aucune personne raisonnable, comme une atteinte à la liberté de conscience.

Assez de gens s’efforcent d’attiser les haines, assez de barrières ont été élevées, dont beaucoup ne sont pas encore abattues, assez de fossés ont été creusés entre les citoyens français sur le terrain religieux, pour qu’il soit permis aux amis de la paix de remettre au point les menus événemens que les hommes de guerre s’efforcent de grossir. Lorsqu’il est si difficile de s’entendre, à l’intérieur d’un même pays, c’est une tentative qui doit paraître bien audacieuse que celle des missionnaires de la concorde internationale. M. Frédéric Passy, le président de la société française pour l’arbitrage entre nations, ne se lasse pourtant pas de semer la bonne parole, qui germera, s’il plaît à Dieu ! Dans une brochure récente, la Question de la paix, il résume, avec l’autorité que lui donne une longue carrière dévouée à ce noble but, les résultats déjà obtenus, les arbitrages heureux des dernières années, les vœux