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baisse ne se produisit pas partout en même temps : la « maison des Ardoises », rue Saint-Denis, — riche construction si l’on en juge par sa couverture, alors réservée aux seuls édifices de luxe, — était louée 405 francs en 1378 ; en 1408 elle avait augmenté jusqu’à 753 francs, et avait baissé en 1426 jusqu’à 178 francs. En 1444, nous la retrouverons à 235 francs (dans l’intervalle on l’avait abattue et reconstruite) ; en 1541 elle ne rapportait encore que 300 francs. De l’année 1453 à l’année 1479, le loyer d’un immeuble de la rue Chamfleury s’élève de 13 francs à 21 francs, puis à 117 francs en 1539, à 308 francs en 1594, à 573 francs en 1609. Je demande pardon au lecteur d’abuser de sa patience par ces nomenclatures de prix, longues et forcément fastidieuses, seules capables cependant de faire la lumière sur les obscures péripéties que nous étudions ici.

Jusqu’à présent nous n’avons envisagé que les terrains et les immeubles de la capitale ; il convient de jeter un coup d’œil, d’ailleurs plus sommaire, sur les maisons des villes de province et des villages de l’ancienne France.

Qu’appellerons-nous villes et villages de 1200 à 1600 ? Comment distinguerons-nous les premières des seconds ? Ni les unes ni les autres ne sont demeurés immobiles dans leurs rapports respectifs : leur importance, leur population, ont beaucoup varié depuis sept siècles. Si des bourgs insignifians du moyen âge sont devenus de grands centres aux temps modernes, des villes, qui jadis ont joué un rôle et dont l’histoire a connu le nom, se sont évanouies, effacées peu à peu de la carte, jusqu’à redevenir d’humbles communes rurales que nos contemporains n’ont pas jugées dignes d’être les chefs-lieux de leurs cantons. Le chef-lieu de canton, sous quelle rubrique le classer ? Est-il ville ou village ? n’est-il pas tantôt l’un et tantôt l’autre selon le nombre d’âmes agglomérées ?

Mais ce nombre d’âmes ne peut servir de base à des désignations immuables. Trois ou quatre mille âmes étaient, au XIVe siècle, un effectif très convenable pour le siège d’une sénéchaussée ou d’un évêché. L’on ne saurait pourtant confondre aujourd’hui, sous une appellation semblable, des villes comme Lyon, Bordeaux ou Rouen et les autres capitales de province, avec des localités de trois ou quatre mille âmes qui ne sont même pas éclairées au gaz. J’ai dû, pour ne pas multiplier les catégories dans une étude du genre de celle-ci, naturellement très incomplète, suivre à chaque siècle l’opinion commune de nos aïeux pour ranger parmi les villes ces communautés mitoyennes qui tenaient un peu de l’un et de l’autre.