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Puisque nous parlons de l’Égypte, il n’est pas inutile de dire un mot du projet de conversion de la dette unifiée, qui vient de s’y produire. Au point de vue financier, le projet soulève des objections graves, et il paraît peu conforme aux engagemens qui ont été pris en 1880, lorsque la loi de liquidation a réduit l’intérêt de 6 à 4 pour 100. Ce n’est pas une conversion ordinaire qui a été faite alors. La prospérité du pays ne s’était pas accrue, bien au contraire ! Il s’agissait d’échapper à un désastre au moyen d’un concordat accepté par les puissances et imposé par elles aux créanciers. De là vient que l’Égypte n’est pas aujourd’hui dans la situation normale d’un État qui peut toujours convertir sa dette lorsque son crédit s’est amélioré. En tout cas, elle ne saurait le faire sans obtenir l’adhésion de l’Europe, et son gouvernement avait eu jusqu’ici la convenance et la prudence de ne rien tenter de semblable sans s’être, au préalable, mis d’accord avec nous. Encouragé peut-être par le changement qui vient de se produire dans le cabinet britannique et par les tendances que l’on attribue à lord Rosebery, il a cru pouvoir se dispenser de ce qu’il regardait sans doute comme une formalité, n’a, du jour au lendemain, décidé de soumettre et soumis en effet son projet de conversion aux diverses puissances sans avoir pressenti aucune d’elles. Si le conseiller financier anglais l’a encouragé dans cette voie, il a eu grand tort. Nous avons immédiatement protesté contre une procédure contraire à toutes les traditions et qui, avant même que nous ayons examiné le projet de conversion, nous dispose médiocrement en sa faveur. La manière dont on le présente témoigne d’autres préoccupations que des préoccupations financières. Le gouvernement égyptien a reconnu que son procédé était incorrect, mais le fait n’en est pas moins accompli, et il en ressort, à notre adresse, un avertissement que nous ne pouvons pas négliger. Au reste, ce n’est pas la première conversion qui se soit faite, en Égypte, depuis peu de temps. Il y en a eu une encore toute récente. Elle a produit des bénéfices sur l’emploi desquels on n’a pas encore pu se mettre d’accord. L’argent est là, qui ne sert à rien, parce que, pour l’utiliser, il faut l’autorisation du gouvernement français et que celui-ci ne l’a pas donnée. Est-ce caprice de notre part ? Est-ce mauvaise volonté ? Non, assurément ; mais les bénéfices de ce genre sont une preuve trop manifeste de la situation calme et prospère de l’Égypte, pour qu’ils ne révèlent pas l’opportunité de rendre ce pays à lui-même. Qu’on les consacre à des travaux destinés à développer encore l’étendue et la richesse de la vallée du Nil, rien de mieux : à une condition pourtant, c’est qu’une quote-part sera réservée pour augmenter la force de l’armée khédiviale, et rendre par-là plus inutile encore qu’elle ne l’est déjà la présence d’un corps d’occupation britannique de plus en plus encombrant et onéreux. Il aurait été d’une prévoyance élémentaire de régler l’emploi du bénéfice de la dernière conversion avant d’y consentir : en né-