Page:Revue des Deux Mondes - 1894 - tome 122.djvu/860

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

loger, grâce à la munificence de la reine et du prince de Galles, tous les instituts, toutes les grandes sociétés savantes de la métropole.

La situation du Residential Hotel, entre la grande artère de Knightsbridge et Hyde-Park, est des plus heureuses. Toute la façade postérieure donne sur les verdures du parc et sur la promenade favorite de Rotten Row. Aussi les plus beaux appartenons y ont été ménagés, et un escalier en fer, relié à l’édifice par des ponts de deux en deux étages, conduirait les habitans, en cas d’incendie, jusque dans le parc voisin. Lorsqu’il fut question de bâtir cet immense caravansérail, l’architecte, M. Archer, avait tracé des plans qui auraient empilé treize étages sur le rez-de-chaussée. Le Conseil du comté s’en émut. Aucune loi, aucun règlement ne lui permettait d’intervenir. La propriété du sol est chose sérieuse en Angleterre ; elle s’étend non seulement au fonds et au tréfonds, elle n’a point de limite sur le chemin du ciel. Le comté, pour mettre un frein à l’ambition de l’entreprise, en était donc réduit aux procédés de persuasion. Il sut trouver un argument décisif. « Je ne puis pas vous empêcher de construire votre Tour de Babel, dit-il, et de couvrir de son ombre les ormeaux de Rotten Row ; mais, si vous le faites, je vous priverai de leur précieux spectacle ; je bâtirai sur la limite une muraille de même hauteur et qui vous masquera la vue. » L’argument parut à l’entreprise mériter quelque attention. Une bâtisse qui devait coûter plus d’un demi-million de livres sterling ne se hasarde pas volontiers à perdre la moitié de sa valeur. Un compromis intervint ; M. Archer et son collaborateur, M. Hooper, se résignèrent à retrancher trois étages de leur édifice qui n’existaient d’ailleurs qu’en dessin ; il en reste dix sur un rez-de-chaussée très élevé ; les toits se dressent à plus de quarante mètres au-dessus du niveau de la rue, douze mètres de plus que les plus hautes maisons de Paris, trois mètres de moins que la colonne de la place Vendôme !

L’intérieur de cette maison, de type américain accommodé au goût britannique, est assez curieux pour mériter une brève description. Au rez-de-chaussée, un grand vestibule pavé en marbre, des murs revêtus de marbre, de vastes salons, aux lambris d’acajou, aux panneaux de tapisserie, des salles de conversation, de lecture, de musique. C’est un club. Les salles de jeu sont dans le premier sous-sol. Le second sous-sol est occupé par les caves, les cuisines, les magasins, les calorifères. La cuisine principale est éclairée pendant le jour par un plafond de verre qui forme le pavage d’une cour intérieure dont les murs sont en briques de faïence blanche vernissées. Ajoutez à cela les monte-plats, les