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chevauchera sur un long chemin fermé de murs et de hautes haies et on mettra derrière le cheval des hommes avec des hâtons et d’autres avec des pierres pour lui donner bastonnades et coups de pierres sur les jambes et sur les jarrets et le molester de cris et de menaces à haute et horrible voix. On voit encore aujourd’hui employer des pratiques analogues dans les concours hippiques, au Palais de l’Industrie, quand les chevaux s’arrêtent devant la porte de l’écurie.

En cas de grande nécessité, on prendra un chat, le plus mauvais qu’on pourra trouver ; on le liera à la renverse, le ventre dessus, au bout d’une longue perche, mais de sorte que la tête et les pieds demeurent libres, et quand le cheval fera semblant de faire le rétif, un homme à pied prendra cette perche et mettra le chat soit entre les jambes, soit aux jarrets, soit entre les cuisses ou sur la croupe du cheval qui sera par ce moyen contraint de se rendre et aller en avant ; mais encore faudra-t-il toujours que le cavalier qui sera monté dessus se tienne coi et se taise et que seulement il prenne garde à le caresser toujours quand il commencera à bien faire.

Il recommande encore l’usage d’un clou ou d’un poinçon avec lequel on piquera bien fort près de la queue ; d’un hérisson ou d’un petit chien mordant attaché à la queue ; d’un long bâton au bout duquel on attachera un petit botteau de paille ou d’étoupe qu’on allumera et qu’on mettra sous le nez du cheval ou par derrière. Pour un cheval qui se couche dans l’eau, on lui tiendra de force la tête sous l’eau en lui donnant force bastonnades, ou on passera un nœud coulant autour des génitoires et on tirera la corde, etc.

Il est vrai qu’en mentionnant tous ces procédés, Grison semble seulement vouloir montrer qu’il n’ignorait rien de ce que faisaient ses prédécesseurs sans en être lui-même très partisan, car il ajoute : « Et partant prenez pour résolution que tous tels chastiemens sont de peu d’importance et qu’il vaudra beaucoup mieux suivre les ordonnances et les reigles que je vous ai baillées par-avant avec soing et diligence, car il n’y a cheval tant rétif qui par le moyen d’icelles ne se corrige de son vice. Toutesfois je ne vueil pas nier qu’il ne soit bien séant à un escuyer ou chevalier d’avoir cognoissance de ces chastiemens et de tous autres quelques petits et de peu d’importance qu’ils soient et de tout ce qui peult servir à corriger toujours le vice d’un tel cheval : desquels combien que je vous peusse parler plus amplement : toutesfois pour ce qu’ils ne me semblent point profitables, j’ay mieux aimé vous en finir ici le compte pour passer outre à vous dire choses de plus grand effect et de plus grande substance. »