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cravache. Ses chevaux étaient presque complètement dressés à pied avant qu’il les montât. Il faisait aussi, une fois en selle, un usage immodéré de l’éperon et m’écrivit à ce sujet en 1879 : « Nos deux écoles sont aux antipodes. Vous ne voulez pas : 1° de la cravache ; 2° des éperons ; et pour moi les jambes font tout, tout, TOUT. » Il y avait un peu d’exagération dans cette remontrance, car j’ai toujours voulu de la cravache et des éperons, sans leur donner toutefois un rôle aussi exclusif que le capitaine Raabe ; et mon école, comme il me faisait déjà l’honneur de l’appeler, a toujours accepté les enseignemens que le maître a tirés, pour l’emploi des aides, de ses merveilleuses études sur la locomotion.

Depuis Lancosme-Brèves et Raabe, de très nombreux ouvrages ont paru sur l’équitation et le dressage. On a de plus en plus cherché la petite bête et discuté à perte de vue sur des minuties, ou au contraire on a prêché le retour à l’équitation sans principes et sans maîtres, mais, en somme, les auteurs n’ont mis en lumière rien de nouveau.

Le plus remarquable de ces auteurs fut sans contredit le comte de Montigny, qui joignait à un savoir très étendu un grand sentiment du cheval et une expérience consommée et qui, peut-être à cause de cela, hésita souvent dans son enseignement. Dans les dernières années de sa vie, il ne voulait plus de pli du côté du mouvement et recommandait même de n’employer que les effets latéraux qui donnent le pli du côté opposé ; selon moi, l’écuyer doit toujours s’inspirer pour cela des difficultés qu’il rencontre, de la conformation et des dispositions de chaque cheval, mais la perfection est de donner le léger pli de la tête sur l’encolure, tel que le comte de Montigny l’a fort bien défini dans ses premiers ouvrages. A la même époque, il eut une autre idée, fort jolie celle-ci, qu’il n’eut pas le temps de publier, et qui consistait à commencer toujours le travail au galop par les départs à faux. On arrive facilement ainsi à avoir des chevaux qui ne galopent jamais de travers et qui changent de pied très facilement.

M. Barroil, un des élèves préférés du capitaine Raabe, a su présenter avec autant de clarté que d’exactitude, dans son bel ouvrage l’Art équestre, toute la doctrine de l’éminent écuyer. Cette méthode que, pour ma part, je n’approuve pas, est en tout cas bien supérieure aux écrits de Baucher. L’auteur veut que le dresseur se fasse « comprendre » du cheval et « lui inculque la connaissance du bien et du mal au point de vue de l’exploitation par l’homme ». Les procédés d’éducation doivent « s’adresser au moral » de la bête, et leur efficacité sera d’autant plus grande qu’ils seront mieux en rapport avec la « psychologie et la physiologie hippiques. » Les cinq premiers chapitres sont consacrés au