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générations, une famille protestante d’Irlande se pique encore de n’être pas irlandaise. Mais en fait John Tyndall était un véritable Irlandais, de figure et de tempérament. Il avait de ses compatriotes la constitution de fer, l’ardente vigueur, la passion indomptée du danger et de l’aventure, l’imagination fiévreuse, l’éloquence abondante et un peu fleurie, et aussi la tendresse de cœur et l’inépuisable générosité. Il est resté Irlandais même dans l’obstination farouche avec laquelle, dans ses dernières années, il a détesté et combattu l’idée de l’indépendance de sa patrie. Depuis que l’Irlande est une nation, toujours elle a été divisée en factions qui se haïssaient plus mortellement l’une l’autre qu’elle ne haïssaient l’ennemi commun. Jamais un Anglais n’a aussi passionnément lutté contre les projets du home rule que les Burke, les Lecky, les Hamilton, tous, comme Tyndall, d’origine irlandaise. »

« La part que prit Tyndall dans la question du home rule, dit encore M. Grant Allen, je suis persuadé qu’il l’a prise sous l’influence de Carlyle, le mauvais génie de notre temps. Libéral de nature, Tyndall avait eu le malheur de naître en Irlande et d’être protestant. Or le protestantisme en Irlande a été trop longtemps une secte agressive et exotique pour qu’il ne reste pas aujourd’hui à tout protestant irlandais un invincible sentiment de haine contre ses compatriotes catholiques. Mais je croirai toujours que, si Tyndall n’avait pas connu Carlyle, il aurait fini par se défaire de ses préjugés anti-irlandais…

« Il est curieux, en vérité, de remarquer que tous les anciens chefs du mouvement évolutionniste ont fini par devenir des réactionnaires en politique. Leurs élèves des générations suivantes sont allés aux doctrines extrêmes, au radicalisme, au socialisme ; mais eux, les aînés, d’année en année ils ont montré plus d’hostilité à tout projet de réforme, qu’il se soit agi du home rule ou du socialisme. »

M. Chalmers Mitchell, dans la New Review, est le seul qui ait tenté d’apprécier l’ensemble de l’œuvre scientifique de Tyndall. Encore M. Mitchell a-t-il jugé le savant défunt avec tant de sévérité que je le soupçonne d’avoir mis un peu de parti pris dans son appréciation. Tyndall, à l’en croire, est un de ces grands hommes qui perdent tout à mourir. « Son rôle dans la science se réduit à peu de chose. Il n’a point fondé d’école ni créé de grands mouvemens de recherches. Il ne s’est guère occupé que de trois sujets : le diamagnétisme, l’action de la glace, et l’influence des molécules de poussière dans l’air et dans les gaz. Mais dans chacun de ces trois sujets, il s’est borné à poursuivre les expériences de ses prédécesseurs, Faraday, Knoblauch et Pasteur

« Son énorme réputation lui est venue simplement de son application, de sa facilité de parole, et de son adhésion à la doctrine de Darwin, dans un temps où aucun physicien ne l’osait encore. Son œuvre nous