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Boston, diplômée à l’école de technologie du Massachusetts et sortie victorieuse d’un concours national proposé aux ambitions de son sexe, n’a pas réussi à nous prouver que l’architecture comptât parmi les arts où dès à présent brille la femme. Les groupes décoratifs de sa collaboratrice, une jeune Californienne, miss Rideout, n’étaient pas non plus de premier ordre ; j’en dirai autant des peintures du hall d’honneur. Certes les femmes conçoivent aussi bien et mieux que personne la décoration, l’ornement, mais à la condition de se tenir hors des cercles trop ambitieux de la statuaire et de la fresque. Mesdames Mac Monnies, Lucia Fairchild, Sherwood, Emmet, Brewster Sewell ne manquent pourtant pas de talent ; et Mary Cassait, bien connue à Paris, où quelques-unes de ses eaux-fortes figurent au musée du Luxembourg, en a même beaucoup. Toutes cependant ont eu tort de s’aventurer dans le domaine de Puvis de Chavannes. Je me borne à indiquer la façon très caractéristique dont miss Cassait a compris ce sujet : la Femme moderne, opposée à la Femme primitive, à ses humbles travaux, à son agenouillement devant l’homme, à sa mission de mère et de bête de somme, le tout retracé par Mrs Mac Monnies sur un espace de soixante pieds. La partie centrale du tympan représente des filles d’Ève en toilettes à la mode du jour, occupées à cueillir par centaines, dans un verger, les fruits de science dont leur aïeule plus modeste ne déroba qu’un seul. À gauche, une figure volante de la Gloire est poursuivie par des femmes les cheveux au vent, les bras tendus, ayant sur leurs talons une bande de canards. À droite une jeune dame relève sa jupe d’un geste hardi pour esquisser la danse de Loïe Fuller, tandis que deux de ses compagnes la regardent, assises sur le gazon, l’une d’elles jouant d’un instrument à cordes. Inutile d’ajouter que miss Cassatt est dans le mouvement ; Degas, Whistler et Monet sont, paraît-il, ses dieux ; mais, après tout, elle est elle-même, et cet éloge d’être bien soi ne peut être adressé qu’à un petit nombre de peintres américains, hommes ou femmes. Souvent très forts au point de vue technique, ils sont incapables jusqu’ici, pour la plupart, de se dégager complètement des influences de leurs maîtres allemands ou français.

Beaucoup d’aspirantes au grand art feraient mieux d’exceller dans les fleurs comme miss Greene, de Boston, de se distinguer dans le portrait ou l’aquarelle comme Mrs Sarah Sears de la même ville. — Il faut louer une autre Bostonienne, Mrs S. W. Whitman qui ne dédaigne pas d’appliquer ses dons d’artiste si remarquables à décorer pour les éditeurs d’exquises couvertures de livres ou à composer de belles verrières, sans préjudice de travaux plus sérieux. Elle a tiré bon parti des recherches faites par le