Page:Revue des Deux Mondes - 1894 - tome 124.djvu/371

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

qu’on a craint que ce nom de frère ne fût occasionnellement usurpé par un ami. Le logement, qui est offert mais non imposé au Bon Marché et au Louvre, est obligatoire au Printemps pour les célibataires des deux sexes âgés de moins de 21 ans. Beaucoup de jeunes gens et de jeunes filles, ayant leur famille à Paris, habitent d’ailleurs avec elle.


X.

La nourriture des employés coûte à l’administration 1 fr. 60 à 2 francs par jour et par tête, suivant les magasins. Pour permettre à ses employés mariés de dîner en famille, le Louvre avait décidé de fermer à 7 heures au lieu de 8 pendant la morte-saison, en janvier, février, juillet et août, et de donner 1 franc d’indemnité à ceux qui prendraient au dehors leur repas du soir. Ces derniers n’ont pas tardé à s’apercevoir qu’ils ne pourraient se procurer, pour 1 franc, un dîner semblable à celui que la maison leur fournit, et qui se compose d’un potage, un plat de viande ou de poisson au choix, un légume et un dessert. Le Bon Marché est plus large encore : il fait servir chaque jour une salade et concède un second plat de viande à qui le désire. J’ai copié le menu inscrit à la craie sur la porte des réfectoires : « Potage poireaux, pâté de canard, gigot rôti purée de pommes de terre, épinards au jus, dessert. « Sous le rapport du dessert, les dames ont partout un supplément de faveur : au Printemps, le jour où j’ai visité ce magasin, on leur avait servi du « flan aux amandes ».

Les alimens sont tous de bonne qualité et préparés avec soin ; la poule au riz que j’ai vue passer au Louvre avait fort bonne mine : or cette « poule » nécessite la présence de 700 volailles. Les cuisines de Gargantua, pour servir 3 000 personnes en trois « gauches » — « gauche », en style de nouveauté, veut dire repas — eussent été très insuffisantes. Celle du Louvre se fait à la vapeur dans des appareils perfectionnés ; 2 400 litres de potage cuisent dans trois bassines de chacune 800 litres de contenance : il y faut par jour 10 pièces de vin, 1 400 kilos de pain, 1 200 kilos de viande, 250 kilos de beurre, 600 kilos de poisson, etc., etc., apprêtés et servis par 15 cuisiniers et 80 garçons de salle.

Deux millions de francs chaque année passent ainsi, au Bon Marché, en victuailles ; neuf millions sont absorbés en outre par les appointemens, fixes ou proportionnels, des employés. Ces onze millions constituent la grosse part des frais généraux ; le reste se partage entre les salaires des ouvriers, occupés dans le magasin aux travaux de confection, lingerie ou tapisserie ; les ports payés