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dosait, dans les puits des maisons du vieux Paris, jusqu’à 30 milligrammes d’ammoniaque par litre ; quantité énorme, visiblement due à des infiltrations des liquides des fosses. La consommation d’eaux semblables, toujours horriblement répugnante, devient terriblement dangereuse en temps d’épidémie, puisque nous savons aujourd’hui que le choléra et la fièvre typhoïde se propagent par les germes contenus dans les eaux contaminées.

Bien que l’extraction des matières des vidanges ait été perfectionnée depuis quelques années ; bien que les gaz qui s’échappent soient lancés au travers d’un foyer qui brûle les produits volatils à odeur forte, de telle sorte que la vidange des fosses d’une maison n’empeste plus toute une rue, ainsi que cela se produisait naguère, le procédé actuel est barbare et doit disparaître.

Que chaque maison recèle au-dessous d’elle des mètres cubes de liquide infect dont les émanations remontent dans les habitations à toutes les baisses barométriques ; qu’il faille extraire ces liquides par des moyens mécaniques et les charrier à grand bruit au travers de la ville, pendant la nuit, troublant ainsi le sommeil des habitans ; que la nécessité de répéter ces opérations coûteuses s’impose d’autant plus fréquemment que l’eau pure arrive en plus grande abondance dans les maisons ; et que par conséquent l’intérêt des propriétaires, auxquels incombent les frais de vidange, soit de restreindre les larges irrigations des cabinets d’aisance, c’est là ce qui est intolérable.

Le système des fosses est donc condamné, il l’est d’autant plus que la préparation des engrais par le traitement des vidanges devient chaque jour plus difficile.

Les matières extraites des fosses ont été longtemps conduites dans les dépotoirs ; on les y abandonnait au repos, pour que la partie solide se déposât. Ce dépôt est très lent ; les matières exposées à l’air empestent de leurs émanations les localités voisines, et, quand le vent souffle de l’est, tout Paris. Les matières solides finissent par se dessécher, elles forment la poudrette, engrais d’une médiocre richesse, car la partie active des vidanges, les sels ammoniacaux, restent dans les liquides ou s’exhalent pendant la dessiccation : les liquides ont été longtemps jetés à la Seine. Aujourd’hui, plus habituellement, les matières sont conduites directement aux usines ; à l’aide d’appareils analogues à ceux qu’on emploie dans la distillation de l’alcool, on sépare des liquides l’ammoniaque gazeuse, qui est recueillie dans de l’acide sulfurique : on prépare ainsi un engrais puissant, le sulfate d’ammoniaque. Cette préparation entraîne une dépense qui n’est couverte que par la distillation d’un liquide riche en ammoniaque. Or, il l’est d’autant