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être partout proportionné au nombre des habitans. « Trop étroit, il ne pourrait pas suffire aux usages auxquels on le destine ; trop grand, le peuple y semblerait perdu. »

Ce qui rapetisse encore pour nous celui de Timgad, c’est qu’il n’était pas vide ; on l’avait encombré de statues de toutes formes et de toutes dimensions distribuées d’une façon assez capricieuse. Il en était à peu près de même dans toutes les villes romaines, et nous savons par exemple qu’à Cirta il y en avait un si grand nombre et qu’elles y étaient si mal rangées, qu’on fut obligé de les aligner, pour que la circulation devînt plus facile. Celles de Timgad ont été détruites[1], mais nous avons encore de quelques-unes la base sur laquelle on les avait placées et l’inscription qu’on y avait mise. Comme on le pense bien, c’est aux empereurs que cet honneur avait été d’abord réservé, et naturellement aussi les plus anciens, Antonin, Marc-Aurèle, Caracalla, trouvant l’espace vide, avaient pris les meilleures places. On avait mis les autres où l’on pouvait. Maxence était sur l’escalier, le César Galère sous un portique, Julien sur une petite base hexagonale, juste devant un de ses prédécesseurs, dont il devait masquer en partie l’image. D’un autre côté, vers l’entrée, il semble qu’on avait groupé, en les serrant un peu l’un contre l’autre, les bienfaiteurs et les protecteurs de la cité, personnages moins importans, auxquels on élevait des statues plus modestes, mais dont le nombre s’accroissait sans cesse, ce qui à la longue devait devenir un peu gênant.

Le Forum était bordé d’un large trottoir, élevé de deux marches au-dessus du sol, et que surmontait un portique dont la plupart des colonnes ont été retrouvées, quelques-unes presque intactes. La place avait ainsi une apparence de régularité, malgré la variété des édifices qui l’entouraient. Ces édifices, déformes et de grandeurs différentes, s’élevaient de tous côtés, derrière le portique. Comme il n’en reste plus que les fondations et quelques pans de muraille, il n’est pas toujours aisé de savoir à quoi ils pouvaient servir. Je ne veux mentionner ici que ceux dont la destination est sûre. Le côté de l’Est est occupé presque tout entier par une grande bâtisse sur laquelle il n’est pas possible de se tromper : c’est une basilique. Sans doute elle ne ressemble pas tout à fait à d’autres monumens de ce genre, par exemple à la basilique de Tébessa, et n’est pas de celles dont on fit si aisément des églises chrétiennes. On n’y trouve pas, comme il arrive souvent,.des rangées de colonnes qui la divisent en plusieurs nefs et soutiennent la voûte. Le mur du fond est droit et ne se

  1. Ou du moins il n’en reste que quelques lambeaux assez insignifians.