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trois jours après. On comprend l’enthousiasme avec lequel cette grande nouvelle fut accueillie à Madrid où elle était célébrée par des cérémonies religieuses, des fêtes publiques, et des pièces de théâtre composées pour la circonstance, notamment par Calderon. Quelques années après, le roi, qui s’occupait de réunir dans le château récemment construit de Buen-Retiro des tapisseries et des tableaux où étaient représentés les faits militaires glorieux de son règne, n’eut garde de négliger un épisode aussi flatteur pour son amour-propre.

Parmi les œuvres du même genre qui avaient été déjà commandées à divers artistes en vue de cette décoration, il serait injuste de ne pas mentionner une peinture d’Eugenio Caxesi, dans laquelle il semble avoir tracé la voie à Velazquez, son ancien rival. Cette grande toile, un peu trop négligée par la critique, et qui représente don Giron, le gouverneur de Cadix, repoussant une tentative de débarquement des Anglais, nous offre, en effet, des qualités de premier ordre qu’on est étonné de rencontrer chez l’auteur de tant de compositions décoratives ou religieuses assez médiocres. Le sujet cette fois est nettement conçu, dans un sens très réel. Caxesi a représenté don Giron qui, souffrant de la goutte, s’est fait transporter sur un lieu élevé d’où il donne, d’un air calme, ses ordres à ses lieutenans. Dans le vaste panorama qui se déploie sous nos yeux, l’artiste nous montre la mer couverte de la flotte anglaise et la campagne à travers laquelle les habitans unis aux troupes régulières repoussent vigoureusement vers leurs vaisseaux les ennemis déjà débarqués. Le dessin, comme la tonalité elle-même, sont ici d’une fermeté remarquable, et bien qu’un peu froide, la scène est très exactement définie et localisée. Mais avec un parti semblable et une véracité supérieure encore, Velazquez va nous révéler toute la distance qui sépare le génie du talent.

Plusieurs fois déjà le motif qu’il avait à traiter avait été abordé par d’autres de ses confrères. Aussitôt après la capitulation de Breda, la princesse Claire-Eugénie, gouvernante des Pays-Bas, mandait de Nancy Callot pour prendre au camp, sous la direction des ingénieurs militaires, des esquisses aujourd’hui conservées à l’Albertine. Pieter Sneyers, qui s’était fait une spécialité de ces sortes de figurations, avait également recueilli sur place les élémens de la vue panoramique de Breda et des environs, qui est aujourd’hui au Prado. Enfin quelques années après, un peintre détalent, José Leonardo, élève de Caxesi, avait été chargé d’exécuter pour Buen-Retiro, en pendant à l’épisode du Débarquement des Anglais peint par son maître, ce même sujet de la Reddition de Breda. Avec une apparence de réalité, la façon dont il l’a rendu