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assis, où l’on a si bien causé entre amis, qui se nommaient : Hawthorne, Emerson, Longfellow, Wendell Holmes.

Ce dernier, vieux d’années, mais non d’esprit, survit au groupe d’élite dont il fit partie ; sa visite est toujours considérée comme un véritable régal. Il apporte avec lui les vives saillies, les amusantes digressions dont fourmillent ses essais si ingénieusement enchaînés dans l’Autocrate[1], le Professeur et le Poète à déjeuner. Paris lui est resté présent à travers le charme de ses années de jeunesse ; il en parle avec autant de gaîté que s’il était encore étudiant en médecine au quartier Latin. On a le plaisir de rencontrer réunis dans la petite personne vive et brillante de cet étonnant vieillard le parfait gentleman de la vieille Angleterre, avec des qualités de verve, de sympathie, une compréhension toute cosmopolite des choses, un luxe d’amabilité qui appartiennent davantage, il faut le reconnaître, à la nouvelle. L’existence du docteur Holmes doit être tout ensemble fatigante et enviable. Il est à la fois vénéré comme un ancêtre, et traité en enfant gâté. Les maîtresses de maison s’arrachent sa présence. Les étrangers de passage lui demandent des rendez-vous, les propriétaires d’albums à autographes, dont le nom est légion, sollicitent une maxime ou un sonnet de sa belle et ferme écriture ; il n’y a pas de cérémonie publique où l’on n’attende de lui un discours, pas de banquet où il n’ait à porter un toast, et les dames s’associent pour lui envoyer des présens symboliques exquis, auxquels il ne peut répondre qu’en évoquant à tout prix sa muse des meilleurs jours pour répondre d’une façon non moins exquise. C’est mettre à rude épreuve les forces d’un octogénaire, mais il n’en paraît pas souffrir et boit galamment le nectar d’adulation qu’on lui verse dans la coupe d’amour (loving cup), au fond de laquelle sont gravés les noms de ses belles et doctes amies.

Presque toujours présente aux samedis de Mrs Fields est Sarah Jewett dont la vie se partage entre le village du Maine qu’elle a immortalisé par des récits émanés du sol même, et Boston qui la revendique.

J’ai aussi retrouvé là T.-B. Aldrich, connu comme romancier plus qu’aucun autre en France, à travers les adaptations qui ont paru dans la Revue des Deux Mondes[2], mais dont l’œuvre poétique, — celle qui lui vaut une place à part dans les régions les plus subtiles du Parnasse américain, — est inaccessible à la

  1. Autocrat of the Breakfast table, 1 vol. — The Professor at the Breakfast table, l vol. — The Poet al the Breakfast table, 1 vol. ; Boston.
  2. Marjorie Daw. Revue du 1er juin 1873. — Prudence Palfrey, Revue des 15 juin et 1er juillet 1874. — La Reine de Saba, Revue des 1er et 15 avril 1878.