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conformaient à ces exigences. Le gouvernement, très ennuyé de l’agitation causée par ces prétentions contraires, intervenait entre les combattans avec ce mélange d’arbitraire et de faiblesse qui a toujours caractérisé les ministres de Louis XV : frappant tour à tour à droite et à gauche, exilant tantôt les prélats, tantôt les magistrats, et ne réussissant ni à les calmer, ni à les contenir, mais bien à les réunir tous contre lui. Et effectivement, il les trouva d’accord, malgré leurs dissidences, pour se refuser à des mesures financières que rendait nécessaires la pénurie du trésor causée par un détestable régime fiscal. Pendant la guerre, les Français avaient dû subir un impôt extraordinaire d’un dixième de leurs revenus, mais, la paix faite, ils comptaient en être déchargés. Au lieu de faire cette remise entière, le contrôleur général Machault d’Arnouville se borna à réduire la contribution au vingtième, mais en la faisant porter, pour alléger la masse des contribuables, sur les revenus de toute nature, y compris ceux qui étaient habituellement exempts par suite d’immunités ecclésiastiques ou nobiliaires. Une mesure, en elle-même si équitable et qui aurait dû être populaire, rencontra au contraire une opposition très vivo dans le Parlement, qui n’enregistra les édits royaux que par ordre et comme contraint et forcé, et dans les assemblées du clergé, qui se refusèrent à faire la déclaration nécessaire pour asseoir les contributions nouvelles. Même résistance dans les pays d’états comme la Provence, la Bretagne et le Languedoc. L’irritation générale fut même portée sur certains points à un degré qui fit craindre de sérieux désordres populaires. Mollement soutenu par ses collègues et finalement désavoué par le roi lui-même, Machault dut quitter la partie, et le décret fut retiré. Cette tentative impuissante n’avait fait que constater la détresse financière sans y porter remède : et la révélation n’avait rien d’encourageant pour regarder en face les ruineuses perspectives d’une guerre nouvelle.

Cette retraite du contrôleur général Machault eut encore une autre conséquence qui, dans la circonstance présente, avait une gravité toute particulière. On voulut épargner à ce digne serviteur, qui n’avait pas démérité, l’apparence d’une disgrâce, et à la place des finances qu’on lui retirait, il fut appelé au ministère de la marine. Il fallut alors chercher une compensation pour le titulaire de ce dernier département, et on n’en trouva pas d’autre que le ministère des affaires étrangères, laissé vacant au même moment par la mort de Saint-Contest. Jamais nomination ne causa plus de surprise et n’attesta mieux par quelles mesquines considérations de faveur et de complaisance l’indolence de Louis XV laissait disposer des plus importans services de l’État. Rouillé