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des exemptions par masses ou par catégories aussi bien que des impôts progressifs sur le capital ou sur le revenu. On a même été jusqu’à citer à l’appui de cette thèse le nom de M. Goschen, qui est cependant le libéral le plus résolument opposé aux tarifs progressifs ou d’exemptions par catégories qui soit dans le Parlement d’Angleterre. On représente cet ancien chancelier de l’Echiquier comme le partisan de la doctrine qu’il a justement combattue, non seulement par une discussion très méthodique et très serrée, mais encore avec une sorte de violence, et on a relevé une audacieuse et vaine affirmation de son adversaire anglais sans tenir compte de l’énergique et éloquente dénégation par laquelle il y a répondu.

En parlant du système économique de nos voisins, on feint d’ignorer qu’il s’est produit depuis quelques années un changement considérable dans la politique économique et sociale de l’Angleterre.

Ce sont les radicaux alliés aux socialistes et aux révolutionnaires, et comptant sur des voix isolées recrutées dans ce qu’on appelle en France l’extrême droite, qui sont aujourd’hui au pouvoir. Le parti, qui se soutient d’ailleurs avec une assez faible majorité, ressemble beaucoup à ce qu’on appelle chez nous la concentration républicaine ; concentration d’où on écarte petit à petit les libéraux pour donner des satisfactions de plus en plus complètes aux membres les plus avancés du parti radical. Enfin il faut ne pas oublier que la propriété en Angleterre a encore le même caractère qu’avait la propriété française avant la Révolution de 1789, et qu’à ce point de vue les radicaux et les libéraux peuvent se trouver souvent d’accord, comme ils se trouveraient d’accord chez nous si nous étions à la veille du 4 août.

La discussion du budget anglais de cette année, si malencontreusement invoquée par nos adversaires à la Chambre française, n’a donc pas le sens qu’on y a donné, et nous chercherons à le démontrer en en faisant une très courte analyse, d’après le compte rendu officiel publié par Hansard.

Sir William Harcourt, le successeur radical de M. Gladstone, a abandonné, comme le lui a démontré M. Goschen, la doctrine de son illustre maître, tant dans la réforme de l’income-tax que dans celle des droits de succession.

Il a proposé de prélever un penny de plus par livre sterling sur la cédule A des revenus fonciers de l’income-tax. Cette surtaxe d’un penny constitue en réalité un impôt nouveau ajouté à l’impôt ancien, avec lequel il ne se confond pas.

Elle est limitée aux revenus de 12 000 francs par an. Et