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dissipée. Ils ne l’ont point pardonné à M. Casimir-Perier : depuis ce moment, pas un jour ne s’est écoulé sans qu’ils l’aient attaqué, soit dans sa personne, soit dans la politique qu’ils lui prêtent. Ni M. Carnot, ni M. Grévy, ni le maréchal de Mac-Mahon lui-même, aux plus mauvais jours du 16 mai, n’ont été l’objet d’agressions aussi directes et aussi brutales. Et qu’a fait M. Casimir-Perier pour susciter tant de colères ? Rien du tout. Depuis qu’il est Président de la République, on n’a pu discerner chez lui ni une volonté, ni même une préférence quelconque. Il s’est enfermé étroitement dans son rôle constitutionnel, tel que l’ont compris et pratiqué ses devanciers. Nous ne lui en faisons, au surplus ni un mérite ni un reproche, car les circonstances ne comportaient de sa part aucune initiative particulière : nous nous bornons à constater un fait. Mais, quelle que soit la correction de M. Casimir-Perier, n’y a-t-il pas imprudence, de la part des radicaux, à se livrer gratuitement contre lui à de telles violences ? Rien, ce semble, n’est plus propre à le faire sortir malgré lui de l’inaction dans laquelle il est resté jusqu’à présent. Si on le condamne à ne rien faire et à présider impassible au jeu extérieur de nos institutions sans y prendre aucune part, il convient en retour de reconnaître et de respecter son irresponsabilité. Qu’on attaque ses ministres, soit ! à condition de le ménager lui-même. Les radicaux font tout le contraire : ils oublient les ministres pour viser exclusivement M. Casimir-Perier. Ils l’accusent de tout ce qui se passe, et même de tout ce qui pourrait se passer, car il ne s’est pas passé grand’chose depuis trois mois, et si les radicaux n’attaquaient M. le Président de la République que sur les actes de son gouvernement, la matière première de tant d’injures et de calomnies leur ferait défaut. Ainsi, que M. Casimir-Perier agisse ou n’agisse pas ; bien plus ! que ses ministres pratiquent une politique ou qu’ils n’en aient aucune, le résultat pour lui est le même. Il est également pris à partie. Il reçoit des coups sans les rendre, et, s’il les rendait, il n’en recevrait pas davantage. L’abstention constitutionnelle ne lui sert de rien. Avec le temps, ces mœurs nouvelles pourraient bien modifier le fonctionnement de la constitution ; mais ce n’est pas à M. le Président de la République qu’on devrait en faire alors le reproche : les radicaux le mériteraient tout entier.

Après tant de défaites qu’ils ont essuyées, la moindre apparence de succès devait leur tourner la tête. Aussi ont-ils fait grand bruit de l’élection législative qui vient d’avoir bleu à Nogent-sur-Seine. Il s’agissait de remplacer M. Casimir-Perier à la Chambre des députés. Plusieurs candidats se trouvaient en présence et la lutte s’annonçait comme devant être vive. Qu’ont fait, les radicaux ? Ils ont adopté un candidat, ce qui était leur droit ; après quoi ils en ont imposé un autre à M. le Président de la République, qui n’en pouvait mais, en déclarant très haut que, si ce candidat, M. Robert, venait à