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deux côtés, à l’Ouest comme à l’Est, il y a des préjugés, faute de se bien connaître. Un intransigeant de la Prairie ne m’a-t-il pas écrit l’autre jour : — « Revenez-nous et restez plus longtemps. Comme dit ma mère à ses invitées : Au revoir, apportez votre tricot ! — Ce qui m’a plu dans votre première visite, ç’a été votre détermination de regarder le peuple d’Amérique et non pas ses snobs. Le véritable Américain n’est pas dans les salons. Dans les petites villes, dans les villages, à la campagne seulement subsistent encore les façons démocratiques, qui le caractérisent. Combien de temps cela résistera-t-il à la marée montante de l’argent et des insolens privilèges ? Je n’en sais rien, mais cela existe dans notre maison de famille (homestead) où je passe l’été, mangeant à la même table que la fille de service (hired girl) et où le jardinier m’appelle par mon nom de baptême, mon nom le plus haut, dirait Walt Whitman. »

Celui qui parle ainsi, un écrivain de talent, se trouve à merveille de subir les âpres influences d’une ferme dans le Wisconsin. Je suis plus éclectique que lui. Les sauvages senteurs de la Prairie ne n’empêchent pas d’apprécier tels salons de Boston ou de New York ; mais j’ai été souvent révoltée par l’ignorance voulue que des Américaines qui ont dix fois traversé l’Océan y professaient pour les parties encore neuves de leur propre pays, comme si les trésors de l’avenir n’étaient pas enfouis là. Je me suis détachée avec peine de Galesburg, j’y suis retournée de très loin, j’y pense encore avec respect et avec sympathie. Ce serait un grand plaisir pour moi que d’y porter mon tricot, comme on m’invite à le faire en franc parler de l’Ouest.


III. — L’EXTENSION UNIVERSITAIRE, CHAUTAUQUA.

Avant de laisser le chapitre des collèges, il me semble indispensable de dire quelques mots d’un mouvement populaire vers la haute culture dont profitent les femmes autant que les hommes. On entend par university extension les divers moyens donnés à toutes les classes du peuple pour acquérir une instruction plus étendue que celle des écoles, ou plutôt l’université ainsi comprise est, selon la très juste expression du professeur Moulton, l’antithèse même de l’école : l’école est en effet obligatoire, administrée sous une discipline immuable, tandis que l’université ouverte aux masses est l’éducation des adultes, une éducation volontaire, illimitée, appliquée à la vie tout entière.

L’Angleterre inaugura ces méthodes qui consistent en conférences, en exercices hebdomadaires, questions et réponses, le