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UN ÉPISODE
DES
CAMPAGNES DU SOUDAN

Les actions de guerre qui se recommandent d’elles-mêmes à l’admiration publique sont les hardis coups de main, les forteresses emportées d’assaut, les campagnes de conquête rapides et fortunées ; la gloire s’attache au bonheur quand il a de l’éclat. Cependant certains faits d’armes restés dans l’ombre sont aussi dignes d’être admirés que telle bataille gagnée. Il en coûte quelquefois moins de conquérir une province que de couvrir une retraite, de sauver l’honneur d’une armée, de tenir en respect un ennemi victorieux. — « Que l’on compare à Mazagran le combat de Ten-Salmet! disait M. Camille Roussel dans son histoire des guerres d’Algérie. C’est celui-ci qui est vraiment un beau fait d’armes; mais qui le connaît? La renommée est allée tout entière à l’autre. » — La campagne du Soudan de 1884-1885 a quelque analogie avec le combat de Ten-Salmet. Personne n’en a parlé, et il n’en est point qui ait fait plus d’honneur à la discipline et au courage de nos troupes coloniales. Elle prouve aussi qu’un chef militaire qui a de la résolution, du sang-froid et sait ce qu’il peut oser, parvient presque toujours à se tirer des situations les plus difficiles et les plus compromises.

Par une étonnante et célèbre campagne, aussi prudemment combinée qu’audacieusement conduite, le colonel Borgnis-Desbordes, aujourd’hui général de division, avait établi l’autorité de la France de Kayes à Bamako, du Sénégal au Niger. Des politiques, qui se croyaient très avisés et qui n’avaient que des vues courtes, jugèrent qu’il fallait marquer un temps d’arrêt dans la conquête. Ils ne firent pas la réflexion