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certainement très ancienne dans le pays, qui peut-être est celle des autochtones de la Bactriane et de la Sogdiane ; le second type est dû au mélange de cette race avec les conquérans mongols ou uzbegs. Selon que les observateurs ont visité telle ou telle partie de la région, ils ont dépeint les Sartes comme présentant l’un ou l’autre de ces deux types, dont le premier domine dans le Sud et le second dans le Nord. Parmi les Sartes, les uns ont la barbe noire, abondante et frisée, les yeux noirs et largement ouverts, le nez très aquilin, le teint coloré, le visage ovale, les traits réguliers ; les autres ont la barbe rare et raide, la peau jaune, les yeux petits et bridés, le nez court, les pommettes saillantes. Chez les premiers domine le sang iranien, chez les seconds le sang touranien. La plupart des voyageurs qui ont parlé du Turkestan ont dit simplement que les Sartes sont des Iraniens, c’est-à-dire des Aryens, parens des anciens Perses, et nos parens aussi, à nous, issus, comme les Perses, de la grande souche indo-européenne. Ils ont dit aussi que leur langue était de la famille aryenne. Cette dernière affirmation n’est pas exacte, et si l’on admet que c’est la langue qui fait la nation, les Sartes sont, en très grande majorité, franchement touraniens, car presque tous parlent un dialecte turc très voisin du djaggataï classique ; c’est seulement dans quelques villages des montagnes et dans quelques oasis de la frontière sud que l’on parle encore le tadjik, langue dérivée du sanscrit et appartenant à la famille aryenne. Au sujet des Sartes, les auteurs se sont accordés à l’unanimité sur un seul point, consistant à nous les peindre comme essentiellement fourbes, perfides et poltrons. C’est peut-être une exagération. Les Sartes préfèrent en effet le commerce et l’agriculture à la guerre et à la vie de pillage. Ils sont moins hardis et moins aventureux que les nomades en général, moins insoucians et moins bons cavaliers que les Kirghiz, moins intrépides, moins féroces et moins chevaleresques que les Turkmènes. Mais ils sont infiniment plus lettrés, plus économes et plus civilisés. Ils ne manquent pas d’un certain courage, et la preuve en est qu’ils ont su défendre leur indépendance, fonder des cités riches et puissantes et imposer en somme d’une façon à peu près complète leur suzeraineté aux nomades, ou du moins, ils ont toujours fini par absorber ceux-ci, après avoir été à maintes reprises subjugués par eux. Leurs villes, dont plusieurs dépassent encore aujourd’hui cent mille habitans, sont remplies de monumens superbes, et chacune d’elles est entourée de plusieurs milliers d’hectares de jardins et de rizières. Les lettres et les sciences ont toujours été florissantes chez eux et leur esprit économe et pratique peut rivaliser avec celui des Chinois. En fait de vêtemens, les Sartes portent le khalat, longue robe de chambre, de couleur souvent éclatante