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En même temps s’organisait à Paris, sous les ordres de Vinoy, un 13e corps qui, moins de quinze jours après, allait compter 40 000 hommes. Un 14e avait déjà son chef, le général Renault, et un commencement d’existence. En même temps se poursuivait partout l’organisation de la garde mobile, les 100 000 mobiles qui avaient déjà leurs cadres étaient amenés à Paris pour y former la garnison de la place et recevoir, avant un siège possible, un commencement d’éducation militaire. Enfin, en prévision de ce siège, l’armement de la place et la construction de nouveaux ouvrages, que la sécurité du dernier cabinet n’avait pas préparés, étaient entrepris, et le ministre du commerce, grâce à des achats de blés, de farines, de viandes conservées et de troupeaux sur pied, assurait pour deux mois d’investissement l’alimentation de la capitale.


III

Ces mesures ne paraissaient pas suffisantes à un parti fort par le nombre, habile dans la propagande, déjà maître des grandes villes, et grandi de nos malheurs mêmes. Les républicains ne pouvaient être rassurés ni satisfaits, sinon par un bouleversement des institutions militaires et des institutions politiques.

L’empire avait toujours pensé que l’instrument le plus parfait de la force nationale est une armée de soldats voués entièrement à leur métier, dressés par un long apprentissage, et préservés de la mollesse ambiante par le célibat, la vie de caserne, un esprit et un honneur particuliers. Il ne croyait pas que des hommes asservis aux sollicitudes de la famille, engagés dans les intérêts d’une profession civile, faits aux habitudes d’une vie sédentaire et alourdis par l’âge pussent devenir des soldats. Jamais il n’avait pris au sérieux les milices. Il considérait la garde nationale comme une institution de parade, destinée à satisfaire le goût de l’uniforme que la bourgeoisie cumulait avec l’antipathie pour les devoirs militaires. Il lui reconnaissait seulement une importance aux jours d’émeutes : non qu’il fallût compter sur elle pour les vaincre ; mais quand elle se rangeait du côté de l’armée, elle donnait à croire aux soldats qu’ils étaient d’accord avec l’opinion publique et les libérait de l’incertitude qui, dans les troubles civils, fait le plus souvent l’impuissance des troupes. Par suite, elle n’existait guère que dans les grandes villes, se composait d’hommes que le gouvernement croyait sûrs, et était soumise à des chefs choisis par lui. A Paris, elle comptait 60 000 hommes, dont le service ordinaire se bornait à fournir durant la