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« Réponse (comme précédemment). — Il l’a chantée, mais ne l’a pas apprise à Moisnel.

« Au second coin :

(Mêmes questions, mêmes réponses.)

« Au troisième coin… »

À ce moment, le plus pénible des tortures, le juge presse le chevalier de questions si absurdes et si ignobles que la plume se refuse à les reproduire. C’est alors que, devant les dénégations obstinées du patient, les bourreaux emploient le moyen suprême que traduit le procès-verbal, sinistre dans sa monotonie, dans l’allure paterne de son style basochien.

« A luy représenté que ce n’est que le commencement des douleurs, qu’il peut s’en faire soulager en convenant de ses crimes et de ses complices.

« A dit qu’il nous a dit la vérité et que, s’il nous déclarait autre chose, ce serait contre la vérité et par la violence des tourmens.

« Avons alors présenté au condamné le quatrième coin pour la question ordinaire, et les quatre autres coins pour la question extraordinaire, qui ont été placés les uns sur les autres, prêts d’être frappés et enfoncés.

« Avons interpellé derechef le condamné de nous déclarer s’il n’a aucun autre complice, l’avons exhorté à nous le déclarer pour sa décharge et l’acquit de sa conscience.

« A dit qu’il nous a dit la vérité et que, s’il nous déclarait autre chose, ce serait contre la vérité et par la violence des tourmens. »

Les trois coins n’avaient servi de rien : allait-on « frapper et enfoncer » les cinq autres ?

Le chevalier devait le croire au moment de sa fière et suprême dénégation. Mais de plus experts que lui en procédure criminelle l’eussent, avant toute réponse, rassuré pleinement. En effet, le quatrième coin de la question ordinaire, et les quatre coins de la question extraordinaire, ayant presque toujours pour effet de broyer les chairs et de faire éclater les os, un magistrat aurait manqué à toutes les traditions s’il avait ainsi risqué d’achever sa victime avant l’exécution.

Aussi le procès-verbal conclut-il simplement par ces mots :

« Ce fait, la question ayant duré une heure, le condamné a été retiré et détaché de la question et mis sur le matelas, et luy avons fait d’abondant prêter serment de dire vérité.

« Interrogé de tous les faits repris dans les interrogatoires cy-dessus transcrits et des autres parts, y a persisté sans augmenter ni diminuer. »

Tel est le procès-verbal qui, selon le procureur Hecquet,