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consisterait désormais à mesurer la valeur respective des deux grands élémens des peuples civilisés, — l’un dolichocéphale, l’autre brachycéphale, — et l’histoire générale se confondrait avec celle de leurs propres rapports. En France, par exemple, l’élément blond, très nombreux à l’époque gauloise, s’est maintenu en décroissant dans les familles aristocratiques et dans certaines masses de population, mais il est presque éliminé aujourd’hui par la prédominance du type brachycéphale dans les croisemens et par l’effet des conditions du milieu, qui favorisent davantage la race à crâne large. La lutte inconsciente de ces deux races expliquerait, selon M. de Lapouge, l’histoire presque entière de notre pays : la Révolution française est « le suprême et victorieux effort des populations touraniennes. » Mais nous paierons cher leur victoire, selon les prophètes de mauvais augure, et le plus sombre avenir nous attend. En Angleterre, c’est l’inverse : l’élément brachycéphale a presque disparu. Heureuse Angleterre ! L’hégémonie militaire et économique est entre les mains des populations aryennes dans l’Allemagne du Nord, mais le gros de l’Allemagne est brachycéphale : la prospérité n’y est donc que « factice ». L’élément supérieur, c’est-à-dire blond, y est tellement distinct des masses touraniennes que la décadence viendra « sûre et rapide » le jour où le gros aura dévoré l’élite. La question de l’avenir dépend essentiellement de la sélection sociale, et sa solution est fournie par cette loi générale : « De deux races en compétition, la plus inférieure chasse l’autre. » Partout où les dolicho-blonds se mêlent aux bruns, leur nombre va diminuant. Pour arriver à un résultat différent, il faudrait une « sélection intentionnelle » qui, au moins en Europe, est impossible, avec notre double tendance à la ploutocratie et au socialisme. L’existence mécanique d’une société socialiste est ce qui convient le mieux à nos Chinois d’Europe. Le barbare, selon les anthropologistes de l’école aristocratique, n’est donc pas aux confins du monde ; il loge « au rez-de-chaussée et dans les mansardes. » L’avenir de l’humanité ne dépend pas du triomphe éventuel des peuples jaunes sur les peuples blancs ; il est dans la lutte sur place des deux types « noble et servile ». Il est possible que l’Europe tombe aux mains des jaunes, des noirs même, par conquête militaire ou par immigration de cause économique, mais, le jour où ce fait se produira, « le grand duel sera déjà terminé. »

Telle est l’apothéose des Aryas dans le passé, et leur anéantissement dans l’avenir, que nous décrivent quelques anthropologistes. S’ils se bornaient à attribuer dans l’histoire un rôle de haute importance aux Européens du Nord, leur théorie pourrait se soutenir : les invasions des Aryens ou prétendus tels sont bien connues. Mais ils vont plus loin : ils veulent établir, dans un même