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d’aujourd’hui. Le livre de M. Huysmans est venu fort à point pour nous y aider. A la formation de ce néo-catholicisme bien des élémens ont concouru. Bien des sentimens s’y rencontrent, sauf un pourtant : c’est le sentiment chrétien. Car pour ce qui est de lui, on en chercherait vainement ici l’ombre elle-même ou l’apparence. En revanche, ce qu’on distingue dans ce trouble idéal, c’est la lassitude de vivre, le mépris de l’époque présente, le regret d’un autre temps aperçu à travers l’illusion de l’art, le goût du paradoxe, le besoin de se singulariser, une aspiration de raffinés vers la simplicité, l’adoration enfantine du merveilleux, la séduction maladive de la rêverie, l’ébranlement des nerfs, — surtout l’appel exaspéré de la sensualité. C’est bien là en effet ce qui se cache au fond de ce prétendu mysticisme. Le retour à une fausse dévotion se produit dans le même temps où on médit de l’amour et on en désespère. Cela est très significatif. La diminution de la foi coïncide avec une diminution de la jouissance : c’est donc qu’il faut rattraper l’une pour sauver l’autre. Cette nostalgie du christianisme, c’est le regret d’une possibilité de jouissance perdue. Cette aspiration à la piété, c’est l’effort d’une génération fatiguée pour restituer dans nos âmes la foi qui nous rendrait la saveur du péché.


RENE DOUMIC.