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« Jamais peut-être les relations n’ont été aussi bonnes, entre l’Espagne et la France. Les signes en sont nombreux. Vous avez pu en voir un dans la cordialité de la réception faite, par la reine et par la population de Saint-Sébastien, à vos officiers de marine. Effet de l’apaisement général qui semble détendre les rapports de peuple à peuple ; effet surtout de causes plus particulières et plus profondes, Je ne sais pas si vous vous rendez compte de cette vérité, que l’étranger vous estime beaucoup moins d’après l’éclat de vos modes et de votre esprit que d’après votre fidélité, plus ou moins grande suivant les temps, à votre caractère et à vos traditions nationales. Vous êtes entourés de peuples moins mobiles que vous. Entre les Espagnols et les Français, il y a cette communauté de sang latin qui a bien son importance, quoi qu’on dise, et qui prédispose à une entente. Encore faut-il que nous reconnaissions, dans votre politique, même intérieure, ce souci de la continuité, ce respect du droit, je dirais même volontiers cette pointe de chevalerie qui sont merveilleusement compris en Espagne. Si vous voulez un exemple, je vous avouerai que votre charité si grande, si spontanée, si naïve, quand un malheur la sollicite, nous rapproche de vous, et que l’œuvre mesquine et souvent violente de vos Chambres nous en écarte. Il y a encore cette défense des intérêts catholiques, à laquelle, par un phénomène étrange et heureux pour votre nation, vous restez fidèles, à l’extérieur. C’est là un lien dont la puissance n’échappe pas assurément, aujourd’hui, à quelques-uns de vos hommes d’Etat. Quand le pape s’adresse à la France, et manifeste publiquement cette espèce de confiance et de préférence qu’aucune de vos erreurs ne vous a encore enlevée, l’Espagne, qui est croyante, écoute la réponse. Elle est impressionnée par l’idée qu’il a de vous. La mémoire lui revient de ce que firent, dans le passé, les deux nations, sœurs dans la foi, et cette fraternité aussi se réveille et nous tend vers vous. Ne croyez pas que j’exagère. Je suis, par tempérament, si éloigné même de toute sentimentalité, dans les questions de cet ordre, que j’aime mieux m’en tenir à cette simple indication. Je vous répéterai seulement un mot qui me fut dit, voilà, quelques semaines, par un prélat italien. Je causais avec lui d’une affaire, où la France et l’Espagne avaient agi d’un commun accord. « Ah ! s’écria-t-il, la France et l’Espagne, à elles deux elles meublent le cœur du Saint-Père ! » Mot très italien, c’est-à-dire, si vous y réfléchissez, coloré d’un peu d’imagination, mais plein d’un sens exact et profond. Il y a enfin ceci, monsieur, pour nous faire nous entendre, que nos ambitions nationales ne sont pas opposées aux vôtres. Elles sont très franchement avouées. Si vous lisez, ce que je vous conseille, l’intéressante brochure intitulée :