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occuperont donc des places différentes, elles auront un rôle distinct, elles agiront d’une manière particulière. Elles ne peuvent donc pas être indépendantes les unes des autres. L’action de chaque échelon est liée à celle de l’échelon qui le précède ou le suit ; les compagnies ne sont pas maîtresses d’en changer la nature ou d’en avancer l’heure. Le bataillon est un orchestre à quatre musiciens ; chacun fait sa partie, mais l’ensemble donne une mélodie unique.

Le combat du bataillon a repris sa figure vraie, et le bataillon assoupli, articulé, devenu maniable sous le feu des armes modernes, redevient ce qu’il avait toujours été : l’unité de combat.

Que nous voilà loin des conclusions premières de la guerre de 1870 : l’apothéose de la compagnie, du capitaine, des tirailleurs ! Que nous voilà loin de l’époque où l’on pensait trouver la solution du problème tactique dans la juxtaposition de petites unités combattant côte à côte dans un dessein commun, mais sans liens directs entre elles, sans que l’action des unes fût subordonnée à celles des autres, en somme indépendantes !


X

Telle a été pendant dix ans, de 1884 à 1894, la formule théorique réglementaire du combat d’infanterie. Elle constituait un premier retour dans la voie de la recherche du choc, une première réaction contre l’importance excessive donnée depuis 1870 à la puissance du feu, contre la prépondérance du tirailleur dans le combat, contre tous les excès de l’ordre dispersé. Elle reconstituait le bataillon comme unité tactique, et rendait à son chef son action directe sur la conduite du combat.

Le but était bon et l’effort était louable, mais il faut reconnaître que celui-ci n’était pas atteint, et même que la voie suivie pour y aboutir ne devait pas, en réalité, y conduire. Voici pourquoi.

La formation de combat que je viens de décrire, le règlement en main, présente, il est vrai, un mécanisme ingénieusement agencé. On y voit une chaîne de tirailleurs, véritable ligne de combat, de nombreux soutiens qui suivent à courte distance, et en arrière une solide réserve prête à agir. L’ensemble de ces divers échelons constitue ce qu’on appelait alors la formation normale de combat.

Le fonctionnement de ce mécanisme compliqué n’est pas moins adroitement combiné. La chaîne des tirailleurs, mince d’abord, s’avance jusqu’à 600 ou 700 mètres de l’ennemi, distance