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sans le concours d’un ministère responsable, mais en choisissant des conseillers investis de sa confiance personnelle, puisque le pays ne lui donne à cet égard aucune indication. C’est ce qui explique et justifie le choix fait par le roi Georges de M. Nicolas Delyanni pour diriger le nouveau cabinet, procéder à la dissolution de la Chambre, présider aux élections générales, et expédier les affaires courantes jusqu’au jour où la constitution d’une nouvelle majorité permettra de reconnaître les tendances du pays et de s’y conformer.

M. Nicolas Delyanni, malgré la similitude de nom et la parenté, n’est à aucun degré inféodé à son oncle, M. Théodore Delyanni. Sa vie tout entière s’est passée dans la carrière diplomatique, où il a débuté de bonne heure et où il est arrivé aux plus hautes situations. Il est un des rares hommes du royaume hellénique qui n’ont jamais été mêlés aux luttes de partis. C’était donc un choix exceptionnellement heureux dans un moment où la politique de partis, qui a été le fléau de la Grèce, est sévèrement jugée par tout ce qu’il y a de laborieux et de sensé dans le pays. Le nom de M. Nicolas Delyanni avait un autre avantage. Il était de nature à inspirer confiance aux puissances étrangères auprès desquelles il a représenté son pays, et notamment à la France, où il a passé huit ans comme ministre de Grèce, et où il a conquis d’universelles sympathies.

Il serait puéril de prétendre qu’en mettant à la tête du ministère un homme investi de sa confiance, un ami personnel, le roi Georges a voulu l’introduire d’abord au pouvoir pour l’y maintenir ensuite en faisant ratifier ce choix par le pays. Le caractère essentiellement provisoire de la combinaison Delyanni ne peut faire doute pour personne. Non seulement le président du conseil, mais tous ses collègues du ministère, en entrant aux affaires, ont pris l’engagement de ne pas se présenter aux élections. Aucun d’eux, par conséquent, ne fera partie de la nouvelle Chambre. Ils donneront en masse leur démission lorsque la nouvelle majorité se sera manifestée par le choix du président de la Chambre et lorsque le roi aura fait appeler le personnage politique désigné par les circonstances pour former un gouvernement parlementaire. En ce qui concerne spécialement M. Nicolas Delyanni, tout le monde sait que sa seule ambition, si le pays trouve qu’il lui a rendu des services dans la crise actuelle, serait de reprendre son poste de ministre de Grèce en France, poste qui a été assez maladroitement supprimé en même temps que d’autres du même genre, et dont l’indispensable nécessité est aujourd’hui démontrée.

Les élections générales ont été fixées au dimanche 16-28 avril.