Page:Revue des Deux Mondes - 1895 - tome 129.djvu/317

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

actions. On m’assure qu’il en a été de même en 1894 à l’Exposition de Lyon, que j’ai le regret de n’avoir pu visiter. L’Académie des sciences morales et politiques, qui ne récompense pas seulement de bons livres, mais aussi des actes et des œuvres, l’Académie des sciences morales décernait, elle aussi, en 1893, ses plus belles couronnes, ses prix de vertus sociales, à des sociétés minières ou à des compagnies industrielles[1]. Sur ce palmarès académique, vrai livre d’or de l’industrie française, je relève les noms de Montceau-les-Mines, de Saint-Gobain, d’Anzin, de Baccarat, du Creusot, toutes puissantes sociétés, classées par le vulgaire dans la haute féodalité industrielle et dénoncées au public comme des forteresses de l’âpre capitalisme. N’est-ce point la confirmation de la règle que nous posions tout à l’heure? Plus riches sont les compagnies, plus puissantes les sociétés, et plus elles font d’efforts au profit de leur personnel, y mettant leur honneur et, si l’on veut, leur amour-propre.

Ces grandes maisons, honnies dans les réunions socialistes, elles disent à leur façon et elles pratiquent à leurs frais le « Noblesse oblige ! » Elles y apportent entre elles une sorte d’émulation ; et, s’il faut tout dire, comme leurs directeurs reçoivent, le plus souvent, un traitement fixe indépendant des dividendes distribués aux actionnaires, ils se montrent parfois moins regardans et plus généreux envers le personnel des travailleurs que le patron individuel, qui supporte seul, sans les partager avec personne, tous les sacrifices faits par sa maison à ses ouvriers. Il serait facile de citer des Sociétés qui sont demeurées des années sans rémunérer le capital et qui n’en ont pas moins continué à subventionner largement leurs institutions ouvrières. Et si quelques-unes des grandes compagnies, entre les plus puissantes en apparence, parmi les compagnies de transport, notamment, chemins de fer, tramways, omnibus, voitures, ne font pas davantage pour leur personnel, c’est, nous n’avons pas le droit de l’oublier, qu’elles n’ont point la liberté de leurs tarifs et qu’elles sont écrasées de droits fiscaux ; en sorte que, ne pouvant ni augmenter leurs recettes, ni diminuer leurs charges, leur budget manque d’élasticité[2]. Cela est surtout vrai des sociétés urbaines en relations avec des municipalités radicales, jalouses avant tout de ruiner les compagnies astreintes avec elles à des rapports forcés. A l’Hôtel de Ville, plus encore qu’au Palais-Bourbon, la tourbe des politiciens croit ne jamais frapper assez fort sur le capitaliste; et, naturellement, l’ouvrier pâtit des coups portés au capital.

  1. Voyez, dans le Bulletin de l’Académie des sciences morales et politiques, le Rapport de M. Georges Picot, 1893.
  2. Ainsi, entre autres, de la Compagnie des Omnibus de la ville de Paris.