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acte de coquetterie. Dans le cours du pèlerinage le voile est absolument interdit; c’est là cependant que la femme est le plus en contact avec les hommes. Certaines femmes des grandes villes et des classes élevées, habituées à ne jamais sortir sans être voilées, ont trouvé un expédient pour tourner la difficulté. Elles placent sous leur voile un masque fait avec des fibres de palmier qui est éloigné de quelques centimètres du visage. Le voile tombe ainsi au-dessus du masque et ne touche pas le visage, de sorte que les prescriptions de Mahomet se trouvent respectées.

La polygamie est ici permise, comme dans les autres pays musulmans. Les personnes riches peuvent même se donner le luxe de prendre quelquefois jusqu’à quatre femmes légitimes. Mais, dans les classes moyenne et inférieure, la monogamie est la règle. Le divorce est très facile; le mari peut répudier ou délaisser sa femme sans aucun motif ; il n’est souvent retenu que par les frais qu’entraîne la séparation.

Aucune femme non mariée ne peut se joindre au pèlerinage, mais on tourne la difficulté par la coutume des mariages temporaires dits de pèlerinage; ce sont des maris d’occasion, payés par les pèlerines pour la circonstance.

Les femmes de la Mecque sont généralement des guérisseuses ; elles ont leur petite pharmacie composée de plantes et de racines ; la médecine, la sorcellerie et les évocations se chargent de combattre les maladies, le mauvais esprit et le mauvais œil. Le fils apprend la médecine de son père, de son oncle ou d’un vieux médecin de ses amis ; les barbiers saignent, posent des ventouses scarifiées. M. Snouck Hurgronje connaissait un médecin à la Mecque qui était en même temps horloger, armurier, doreur et distillateur d’huiles essentielles : il jouissait d’une grande réputation comme médecin.


L’origine du pèlerinage se perd dans la nuit des temps. Il existait longtemps avant même la fondation de la Mecque au Ve siècle de notre ère. Les cérémonies du hadji constituent un reste de rites païens que Mahomet, n’osant les abolir, adapta à son culte. Au temps des Arabes idolâtres, le pèlerinage avait toujours lieu en automne; mais Mahomet établit expressément les mois lunaires et fixa l’époque de la réunion aux trois derniers mois. Il en résulte que chaque année la date des fêtes avance de treize jours, et que le pèlerinage, dans l’espace de trente-trois ans, se représente successivement à toutes les saisons. Le pèlerinage de la Mecque a été rendu obligatoire par Mahomet, qui en fait le quatrième acte fondamental de la religion musulmane, la prière,