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« ne cédait qu’à toute extrémité et d’une manière extrêmement légale. » La bonne volonté de Bonaparte à exclure les Prussiens des bénéfices « rendait la chose plus facile » pour l’Autriche ; Cobenzl jugeait, d’ailleurs, que cette facilité de Bonaparte dépassait la mesure des infidélités, consacrées dans l’usage des cours. On ne consent si aisément à rompre que des engagemens fort incertains. C’est sous l’impression de ces réflexions rassurantes qu’il rédigea son projet et aborda Bonaparte le 1er octobre[1].

Avant de sortir sa minute de son portefeuille, il essaya encore, par acquit de procédure, sinon de conscience, « de faire désister Bonaparte de ses prétentions sur Mayence et sur les pays décrétés par la République. » Bonaparte se refusant à rien céder, sur ce chapitre, et Cobenzl estimant qu’il avait fait une assez belle défense, ostensible et légale, de l’intégrité de l’empire, avança un « raisonnement » qu’il avait longuement médité. — « Si l’on veut, dit-il, tenter de rapprocher les différences d’opinion et de faire disparaître les obstacles qui s’opposent encore à la paix, il faut partir du principe suivant : la France donne à ce qu’elle veut acquérir une extension que l’Autriche n’a pu ni connaître, ni, par conséquent, stipuler dans les préliminaires. Cette extension concerne des pays qui ne sont pas une propriété de l’Autriche et que, par conséquent, elle ne peut pas céder. Mais, avec cela, pour que la France puisse les acquérir par la paix, elle a absolument besoin de l’adhésion de l’Autriche. Celle-ci n’étant pas obligée d’employer toutes ses forces pour la défense de l’Empire, peut, sans manquer à ses obligations, les retirer, en partie, en ne laissant que son contingent. Dès lors, il ne reste plus à l’Empire d’autre parti à prendre que de souscrire à ce qui aurait été arrêté entre l’Autriche et la France. » Ce serait pour l’Autriche « un nouveau sacrifice, des plus pénibles » ; pour la France « un arrondissement des plus puissans » ; « la seule voie de déterminer l’Autriche à y donner la main ne peut être, par conséquent, que de s’arranger avec elle pour augmenter ses indemnités. » Les lui attribuer en Allemagne, ce serait anéantir l’Empire, supprimer tout corps intermédiaire entre l’Autriche et la France ; si les deux États veulent s’accorder, il faut qu’ils demeurent séparés. La conservation du corps germanique est un objet d’intérêt commun pour eux. Cette considération rejette les partages et indemnités sur l’Italie qui est « d’ailleurs bien plus susceptible de servir à cet usage. » La conclusion du « raisonnement » de Cobenzl, et le dernier des nombreux « par conséquent » dont il avait noué son discours, fut-que l’Autriche réclamait : la ville de Venise, avec

  1. Lettre confidentielle de Cobenzl à Thugut, 2 octobre ; Huiler, p. 402 et suiv. Correspondance de Napoléon, t. XIX ; campagnes d’Italie, p. 314.