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C’est en résumé un navire dont les facultés stratégiques l’emportent nettement sur les facultés tactiques.


II. — LES ÉCLAIREURS

Il n’y a pas fort longtemps que l’on s’est avisé qu’il était nécessaire d’éclairer une escadre, autant qu’il peut l’être d’éclairer une armée. L’accroissement de la vitesse des unités de combat dans ces dernières années a ouvert les yeux des officiers les plus attachés au système qui consistait à maintenir à quelques encablures en avant ou sur les flancs de l’escadre des navires légers, mais fort peu rapides, dont le rôle principal était de répéter les signaux de l’amiral. C’est encore à un petit groupe de marins — toujours le même, du reste — que nous devons les premiers navires à qui une vitesse nettement supérieure à celle des cuirassés permettait d’éclairer réellement la marche d’une force navale, c’est-à-dire de créer autour d’elle une zone de sécurité assez étendue pour qu’elle pût prendre ses dispositions de combat entre le moment où l’ennemi serait signalé et celui où les premiers coups s’échangeraient.

Il n’y a là pourtant qu’une conception élémentaire de la mission de l’éclaireur d’escadre, et ce que nous venons d’en dire ne définit que l’éclairage tactique, celui qui a pour préoccupation exclusive le combat.

Lorsqu’on étudie avec quelque attention les problèmes de la guerre navale, on ne tarde pas à s’apercevoir que cet éclairage ne suffit pas, ou qu’il ne suffirait qu’à une escadre assurée de rencontrer l’ennemi exactement sur la ligne d’opérations qu’elle parcourt. Or l’ennemi n’a point accoutumé de se plier à nos desseins. Il a les siens, qu’il suit de préférence, et dont il importe que nous soyons avertis dès les premières heures de la guerre, si cela est possible. On en comprend d’ailleurs d’autant mieux la nécessité que l’adversaire est plus actif, plus entreprenant, ou seulement que ses vaisseaux sont plus rapides ; et c’est quand on examine sans parti pris d’illusions les conséquences d’une certaine infériorité de vitesse du gros de l’armée navale que l’on s’aperçoit bien que l’éclairage tactique est un éclairage passif, donnant des garanties contre une surprise de l’ennemi, mais ne fournissant aucune chance, soit de le surprendre à son tour, soit de contrarier ses opérations.

Il y a donc, il doit y avoir un éclairage beaucoup plus étendu, que nous appellerons l’éclairage stratégique, véritable service d’informations, qui commencera au moment où tarissent toutes