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outardes ont généralement été prises assez facilement et presque sans combat, malgré une défense de ruse, souvent habile, mais ne pouvant compenser l’infériorité des moyens. Les canards, au vol rapide et puissant, ont souvent pu s’échapper et ont presque toujours distancé leurs agresseurs toutes les fois qu’ils n’ont pas été pris dès le départ, c’est-à-dire toutes les fois que l’oiseau de proie n’a pas été lancé avec précision et n’a pas évité toute fausse manœuvre pendant le temps assez court où le canard s’enlève lourdement. Quant aux pigeons, ils se sont toujours montrés manifestement supérieurs aux oiseaux de proie, et ceux-ci n’ont jamais pu, dans leur vol, parvenir à gagner le dessus, sauf lorsque les sujets servant à l’expérience avaient eu auparavant les yeux crevés ou le bas du cervelet traversé par une barbe de plume, opération barbare qui réduit le malheureux gibier à s’élever indéfiniment en spirale sans gagner en distance horizontale.

Au Turkestan, et notamment à Tachkent, dans les bazars, surtout devant les tchaï-khaneh, c’est-à-dire devant les restaurans ou maisons de thé, on voit les marchands ou les cliens suivre avec passion un autre sport qui se rattache au goût de la fauconnerie, à savoir les combats de perdrix et surtout de cailles. Ces derniers oiseaux, si nombreux en Asie centrale, et que nous avons coutume, en Europe, de considérer à un point de vue purement gastronomique, c’est-à-dire comme plutôt pacifique que belliqueux, ainsi qu’il sied à des oiseaux bardés de lard plus souvent que de fer, montrent une ardeur incroyable à lutter entre eux lorsqu’on les met face à face. Les propriétaires excitent encore cette frénésie en mettant de temps en temps la tête des oiseaux dans leur bouche, ce qui, paraît-il, provoque chez ces animaux une sorte de vertige furieux, ou en leur soufflant sur le bec une liqueur enivrante. Les gens trop pauvres pour avoir des faucons ont des cailles ; d’autres ont des perdrix d’une espèce très voisine de la perdrix rouge d’Europe. Comme les Sartes sont fort joueurs, d’importans paris s’engagent parmi les spectateurs. Les champions les plus célèbres sont entretenus avec soin dans des cages en filet, de forme ronde, pendues aux portes des heureux possesseurs. Mais l’excès de la célébrité a généralement pour effet de conduire directement les lauréats à la casserole, car, personne ne voulant plus parier contre eux, leurs propriétaires, gens essentiellement pratiques, ne conçoivent plus la nécessité de les entretenir davantage.

Les enfans eux-mêmes pratiquent la fauconnerie. On rencontre souvent, tant dans les pays sartes que dans les pays turkmènes, des enfans d’une dizaine d’années qui, coiffés d’énormes bonnets à poil usés par leurs pères, et avec cette mine sérieuse