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maréchal des logis des gardes du comte d’Artois, et qui, joignant lui aussi la plume à l’épée, s’illustra par un pompeux Hommage à la vertu militaire.


Le général de Verdy prenait part aux manœuvres annuelles de l’académie de guerre prussienne, à Oranienbourg, en juillet 1870, lorsque vinrent le surprendre les premiers bruits de la possibilité d’une guerre avec la France. « Ces bruits, naturellement, nous préoccupèrent fort, sans cependant nous faire interrompre le cours de nos manœuvres. L’idée d’une guerre avec la France n’avait pour nous rien d’impossible ; depuis longtemps au contraire nous nous y étions habitués. Un moment même, en 1866, avant la conclusion de la paix avec l’Autriche, nous l’avions crue sur le point de se réaliser : et toujours, depuis lors, nous avions gardé la conviction que tôt ou tard le conflit attendu ne pourrait manquer d’éclater. Nous attendions ce conflit sans impatience, mais aussi sans crainte ; car l’armée était prête, le traité d’alliance avec les autres États allemands solidement établi, et pas un seul jour nous n’avions cessé de travailler à nous mettre en mesure. Et cependant personne ne s’attendait à voir la guerre s’engager à cet instant. Le roi était à Ems ; la plupart de ses conseillers ordinaires avaient quitté Berlin ; et beaucoup des officiers supérieurs, ceux de l’état-major et du ministère de la guerre en particulier, se trouvaient, eux aussi, absens de la capitale. »

Pour montrer combien on s’attendait peu à une déclaration de guerre immédiate, M. de Verdy cite encore deux dépêches échangées, le 11 juillet 1870, entre l’adjudant général du roi, M. de Treskow, et le ministre de la guerre. Télégraphiant d’Ems au nom du roi, M. de Treskow demandait au ministre quelles mesures il comptait prendre pour couvrir au plus vite les provinces du Rhin ; et le général de Roon lui répondait que des mesures exceptionnelles, en ce moment, non seulement lui paraissaient superflues, mais pourraient encore avoir, vis-à-vis de la France, le caractère d’une démarche hostile.

De jour en jour des nouvelles contradictoires arrivaient au camp des manœuvres. Mais le 15 juillet, un télégramme manda décidément à Berlin M. de Verdy, et lui apprit en même temps que la guerre était déclarée. « À la gare d’Angermunde, où je me rendis aussitôt, on me dit que l’ordre de mobilisation venait d’être donné ; et de fait je trouvai toute la garnison de l’endroit activement occupée à préparer son départ. En pleine nuit, on nettoyait les fusils, on revêtait les nouveaux uniformes de campagne, on sortait les chariots que l’on commençait à charger. Les gares étaient encombrées d’hommes se rendant à leurs régimens. J’arrivai à Berlin dans la matinée du lendemain, et tout de suite je dus me mettre au travail. »