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Le starcevicianisme est avant tout l’expression d’un tempérament. C’est le patriotisme démocratisé, ne doutant de rien, légèrement frotté des essences de 1848, tout au moins d’un extrait d’irrédentisme, sous la formule : Croatia farà da se. C’est un peu l’esprit des échauffourées populaires et des émeutes d’Université. Ses ennemis lui reprochent encore, non sans sujet, d’être une école plutôt de déclamation que de caractères. Il s’en faut que le maître ait communiqué à tous ses disciples ce détachement très franc, même un peu cynique, des bienfaits que dispense le pouvoir. Beaucoup de ses partisans finissent dans les bureaux et ne demandent qu’à être calmés, ce à quoi le ban actuel, connaisseur d’hommes, se prête à l’occasion. Quand Diogène fait de la politique, il lui arrive quelquefois d’engendrer Rabagas.

Mais il engendre aussi, — c’est une justice à lui rendre, — des convaincus, des batailleurs, des héros d’épopées électorales, dont une opposition, singulièrement en pays jeune, a toujours besoin. Cet homme, dont le caractère, par bien des côtés, sinon par tous, s’éloigne du type commun des Croates, a fini par prendre beaucoup d’empire sur la génération nouvelle : on lui trouve une irrésistible unité ; ou le place sur une sorte d’autel patriotique, entre le type idéal du patriarche et celui du penseur. Starcevic n’écrit plus guère de brochures et communique aujourd’hui ses opinions par la voie du journal et de l’almanach. Il a condensé les principes du « parti du Droit » en une sorte de catéchisme. C’est un mélange de vues politiques neuves et d’aphorismes à la Franklin, d’un effet toujours imposant sur une démocratie qui commence à lire. On y trouve, amalgamées au pancroatisme, toutes les idées qui défraient la littérature électorale de l’Occident et singulièrement la nôtre : progrès, solidarité, instruction, tolérance — mais à l’état encore philosophique, de monnaie qui n’a point passé par toutes les mains. Ainsi :

§ 6. — La pauvreté et la persécution ont mis au cœur du peuple la malice qui rend les uns satisfaits ou dédaigneux du malheur des autres. On ne l’extirpera qu’en apprenant au peuple, par la parole et par l’exemple, que le bonheur ou le malheur d’un fils de la patrie finit par se communiquer à tous, et qu’en conséquence chacun doit regarder comme sien le mal qui échoit à l’un de ses frères.

§ 13. — Le parti du Droit doit enseigner au peuple que la foi est une affaire de conscience, qu’elle ne divise point les nations, que personne ne doit toucher à celle des autres ; que la nation, diversifiée par les croyances, doit être une dans le bonheur et la liberté.

§ 24. — Ne promettez rien au peuple que ce que vous pouvez lui donner et appelez son attention sur ceux qui lui font des promesses.

§ 25. — Le peuple ne doit pas s’en remettre aux individus de ses affaires,