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Une matière soluble introduite dans un liquide tend à s’y répandre uniformément : si, par exemple, on place dans un vase de verre renfermant une dissolution de sulfate de cuivre un cylindre creux de biscuit de porcelaine non vernissée, poreux par conséquent, et qu’on remplisse ce cylindre d’eau distillée, on observe qu’après quelques jours le sulfate de cuivre a traversé les pores de la porcelaine, a pénétré dans l’eau distillée, bien que les deux liquides eux-mêmes n’aient participé en rien à ce mouvement. Si, poussant plus loin l’investigation, on détermine par l’analyse les poids de sulfate de cuivre que renferment des volumes égaux de la dissolution extérieure et du liquide contenu dans le vase poreux, on trouve que ces poids sont égaux : l’équilibre est établi ; la matière dissoute a cheminé de molécules d’eau en molécules d’eau, sans que l’eau elle-même ait participée ce mouvement. Il y a indépendance absolue entre la matière dissoute et le dissolvant : l’un se transporte, tandis que l’autre reste en place.

Si aucune cause perturbatrice n’intervenait, l’équilibre établi par diffusion persisterait indéfiniment ; mais il n’en sera plus ainsi si, par un artifice quelconque, nous enlevons à l’eau contenue dans le vase poreux le sulfate de cuivre dont elle est chargée, si, par exemple, nous faisons tomber dans le vase poreux quelques gouttes d’eau de baryte : cette base amène l’acide sulfurique à l’état insoluble, en formant avec lui du sulfate de baryte, et l’oxyde de cuivre hydraté, insoluble quand il est séparé de l’acide sulfurique, se précipite du même coup. À ce moment l’eau du vase poreux est privée de matière dissoute, et aussitôt la diffusion entre en jeu de nouveau : le sulfate de cuivre du vase extérieur chemine vers le liquide intérieur et, bientôt l’équilibre détruit par l’action de l’eau de baryte est rétabli. Après quelques jours, quand l’analyse a montré que, de nouveau, les deux liquides sont au même degré de concentration, que l’un s’est appauvri de ce que l’autre a gagné, on procède à une nouvelle précipitation, et, en continuant ainsi, on peut accumuler dans le vase poreux les deux élémens du sulfate de cuivre, l’acide et la base, et la seule raison de cette accumulation est l’insolubilité qu’ils ont acquise dans le vase poreux.

Dans la feuille de pomme de terre, la cellule à chlorophylle élabore des hydrates de carbone solubles : glycose, saccharose, qui parfois s’y concrètent momentanément sous forme d’amidon, pour reprendre bientôt l’état soluble. Ces hydrates de carbone dissous dans l’eau de la cellule tendent à se répandre uniformément dans les liquides qui gorgent les vaisseaux ; ils y cheminent par diffusion, comme le sulfate de cuivre dans l’expérience