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régions de notre Algérie : tandis que les hivers sont rudes sur les hauts plateaux, particulièrement dans la province de Constantine, il ne gèle guère sur le littoral, et on peut y cultiver la pomme de terre de primeur. L’ennemi sur les grèves est le vent : aussi faut-il se défendre à l’aide de palissades de roseaux qui forment de petits carrés enveloppés de tous côtés par des abris et dans lesquels on plante en août et septembre, pour récolter en décembre et janvier ; on fume au fumier de ferme et on choisit comme variété la Quarantaine de la halle, la Royal Kedney, la Saucisse, dite aussi Merveille d’Algérie. Les maraîchers mahonnais, qui s’adonnent particulièrement[1] à cette culture, n’obtiennent que de médiocres rendemens : quand ils récoltent trois fois la semence, ils s’estiment heureux. Le poids de tubercules exporté du port d’Alger, a dépassé 40 000 quintaux en 1891 et 1892 ; il est tombé à 18 000 en 1893, pour se relever à 25 000 en 1894.

Les prix de vente varient entre des limites étendues : les plus faibles sont de 20 à 25 francs, les plus élevés de 60 francs. En moyenne on peut estimer que le quintal se vend 10 francs ; c’est-à-dire que les pommes de terre de primeur atteignent un prix dix fois plus élevé que celui des tubercules de grande culture, la somme réalisée par la culture des environs d’Alger dépasse 1 million de francs.

En Provence, la culture est déjà plus chanceuse : les gelées du printemps, si elles ne détruisent pas les récoltes, retardent l’arrachage, ce qui cause un grave préjudice, car, ainsi qu’il a été dit, les prix de vente sont d’autant plus élevés que la saison est moins avancée. Il faut, surtout dans la vallée de la Durance, se garer des grands vents en entourant les champs de palissades construites avec les roseaux de Provence. On plante du 15 décembre au 15 février, dans une terre bien ameublie et fumée, les variétés Royale, Marjolaine et ronde, dite d’Orléans. Presque toujours les tubercules mis en terre sont déjà germes ; les semenceaux sont disposés à l’avance dans des boîtes élevées sur quatre pieds, nommées clayettes ; le fond des boîtes est formé de lattes fixées à quelque distance les unes des autres, de façon à permettre la libre circulation de l’air. Les clayettes sont placées

  1. J’ai utilisé, pour écrire ce paragraphe, des renseignemens que m’ont fourni : la Direction de l’agriculture, les C° P.-L.-M. et de l’Ouest, M. Flamand, inspecteur général des ponts et chaussées en Algérie, mon confrère de la Société d’agriculture M. H. de Vilmorin, M. le Dr Trasbut, chef du service botanique au gouvernement de l’Algérie, MM. les professeurs départementaux d’agriculture Zacharewicz (Vaucluse), de Laroque (Bouches-du-Rhône) ; M. Le Loupp, professeur spécial à Morlaix ; M. Lépiney, professeur à l’école de Rouïba (Algérie) ; MM. Barbé, au Vivier-sur-Mer (Ille-et-Vilaine), Farnault, M. A. de Saint-Foix, planteur et distillateur à Harrach-Alger, M. le capitaine Baronnier, de Biskra, auxquels j’adresse mes sincères remerciemens.