Page:Revue des Deux Mondes - 1895 - tome 131.djvu/246

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

les trois volumes de la Correspondance de Marie-Antoinette avec Marie-Thérèse, publiés en collaboration avec M. d’Arneth. Ceux-ci ont réduit à leur juste valeur de nombreux recueils apocryphes : vengé une reine de France et (une impératrice d’Allemagne d’imputations calomnieuses, et renouvelé l’histoire intérieure du règne de Louis XVI.

Cependant, comme si tant de travaux ne suffisaient pas à l’active et méthodique curiosité de notre savant collaborateur, ni l’histoire de la Révolution, ni celle des « Alliances du Nord », si complexes et si compliquées l’une et l’autre, ne l’avaient détourné du commerce de l’antiquité. A la préoccupation des choses de la politique toute contemporaine, dont il ne se lassait pas de suivre les vicissitudes, il joignait le, goût persistant de l’érudition ; et d’une série d’études sur Marie-Antoinette, avec autant de sûreté que d’aisance, il aimait à passer à une série d’études sur Rome et les Barbares. Nos lecteurs ne peuvent pas les avoir oubliées. Conçues et écrites au lendemain de nos désastres par un homme qui les avait vus lentement se préparer, elles sont tout animées du plus ardent patriotisme, et pourtant admirables de froide et de sereine impartialité.

Qu’ajouterons-nous à ces quelques lignes ? qu’une telle vie, si bien employée, commande le respect ? Mais nous dirons plutôt que ceux qui ont connu Geffroy savent ce qu’il cachait de bonté réelle et de sensibilité profonde sous une apparence de réserve qui écartait de lui les affections banales. Et nous dirons encore, — tant il avait de jeunesse d’esprit, — que nous ne nous attendions pas qu’il dût sitôt disparaître. Mais, en exprimant tout le chagrin que sa perte nous cause, et en nous associant au deuil des siens, nous ne le plaindrons cependant pas trop. Il a rempli tout son mérite ; sa vie a été belle, son œuvre a été féconde ; et le bonheur enfin ne lui a pas été refusé de mourir en travaillant, qui est le plus grand sans doute que pût rêver un homme comme lui.


Le Directeur-Gérant, F. BRUNETIERE.