Page:Revue des Deux Mondes - 1895 - tome 131.djvu/390

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

la colonne Antonine développant sa spirale de marbre sculpté au milieu de l’agitation du Corso ! Dans cette ville où tous les siècles et tous les styles revivent dans quelque monument mémorable, ville des consuls, des tribuns et des empereurs, ville des gladiateurs et des martyrs, des papes, des cardinaux, des barons pillards et des princes-neveux, l’architecture a dû prendre les formes les plus variées. Les palais construits taux époques les plus différentes pour des personnages si dissemblables se distinguent par la variété presque infinie du style et du caractère.

C’est d’abord le Vatican, massif touffu de constructions disparates reliées entre elles par d’interminables galeries tapissées d’inscriptions grecques ou latines. L’entrée principale se dérobe sous un portique. Puis, pour escalader la colline, les escaliers succèdent aux escaliers doux comme les rampes d’un parc anglais ou rai des comme des échelles. La longue enfilade des chambres, les corridors, les passages secrets se cherchent, s’évitent, se croisent, s’enchevêtrent comme les allées d’un labyrinthe. D’une cour froide et humide à l’aspect féodal, vous débouchez dans le cortile de Saint-Damase dont les trois ordres de loges étincellent au soleil du midi. Vous sortez d’un musée d’antiques pour tomber dans une chapelle aux peintures murales éclairées par un jour tombant de haut ou dans une salle royalement décorée de stucs éblouissans. Des vastes dépendances de la bibliothèque, vous vous glissez furtivement dans des appartenons mystérieux aux parois couvertes de fresques semblables à des enluminures. Déchiffrez les emblèmes répandus sur les voûtes : le bœuf d’or vous apprendra que vous êtes momentanément l’hôte d’Alexandre VI.

Pour ne pas couvrir, comme le Vatican, une colline entière, les autres palais de Home n’en commandent pas moins l’attention, depuis le palais de Venise, sorte de château fort crénelé dont les murailles massives semblent construites pour l’éternité, jusqu’à la Cancelleria et son double portique de fins arceaux agrémentés de la rose symbolique du cardinal Riario ; depuis la Farnesina évoquant le triple souvenir de Léon X, de Baldassar Peruzzi et de Raphaël, jusqu’au palais Orsini audacieusement installé sur les arcades classiques du théâtre de Marcellus, semblable, au fond des ruelles voisines du Ghetto, à un repaire de brigands réfugié dans une cour des miracles. — Mais il est un palais qui l’emporte sur tous les autres, non qu’il soit sans défauts, mais parce que, dégagée de toute influence étrangère, son architecture vraiment romaine se rattache à la pure tradition classique. Rien ne manque d’ailleurs à sa gloire. Construit sur l’ordre d’un des plus grands papes des temps modernes, le palais Farnèse eut pour architectes