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son Académie tomba, et Papin revint à Londres, où la Société Royale lui rendit son titre de membre et de « curateur aux expériences de la Société ». Elle y affecta un traitement trimestriel de 190 livres tournois ; traitement modeste, mais suffisant à cette époque pour assurera un savant qui débutait le loisir de s’attacher à ses études, il aurait sans doute été accru avec le temps et le progrès de sa réputation. Papin y continua ses inventions d’ordre pratique, fondées pour la plupart sur l’emploi du vide. Mais aucune de ces inventions ne paraît avoir atteint la période des applications industrielles, au moment où il abandonna Londres pour l’Allemagne, attiré par de nouvelles espérances.

Les savans d’alors passaient ainsi d’État en État, de France en Angleterre, en Allemagne, en Italie, et réciproquement, — comme le montre l’histoire de l’Académie des sciences au temps de Louis XIV, — sans être assujettis à ces liens de nationalité, qui rendent aujourd’hui de telles mutations, sinon impossibles, du moins de plus en plus rares. Elles le sont devenues surtout depuis la constitution de l’Italie et de l’Allemagne en grandes nations ; chacun trouvant plus aisément à faire sa carrière dans son propre pays que dans les autres, où un étranger rencontre les difficultés des examens et des grades ; sans parler des situations acquises et des jalousies nationales.

À la suite de la révocation de l’Édit de Nantes par Louis XIV, les protestans opprimés quittèrent en foule la France et transportèrent de tous côtés leurs industries. Le landgrave de Hesse, de même que l’électeur de Brandebourg et les autres princes protestans, cherchèrent à attirer chez eux les proscrits, en leur assurant un bon accueil et divers privilèges. Une partie de la famille de Papin émigra de Blois à Marbourg, et le landgrave, curieux d’inventions scientifiques, pensa à appeler Papin dans ses États. Il lui offrit le titre de professeur de mathématiques à l’Université de Marbourg, avec un émolument de 150 florins ; ce qui représentait 1 600 à 1 700 livres tournois, le double à peu près de la subvention de Papin en Angleterre, plus un éventuel variable. C’était pour l’époque un traitement considérable, équivalant à celui des professeurs de l’enseignement supérieur d’aujourd’hui en France.

Papin se trouvait ainsi, à 40 ans, dans une belle situation et en état de poursuivre ses expériences. Son titre embrassait les sciences physiques. Malheureusement pour lui, il devait faire quatre leçons par semaine, lourde charge pour un homme qui n’avait jamais professé.

À cette époque d’ailleurs, les étudians s’occupaient surtout de théologie, de droit ou de médecine, seuls enseignemens susceptibles