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chants bachiques des esclaves, pendant le souper des riches citoyens d’Athènes.

Vers ces temps lointains, le diapason était d’une tierce mineure au-dessous du nôtre. Étant donné que la moyenne de la voix humaine gravite entre deux re, celui du médium de la clef de fa et son octave supérieure, les documens anciens : Invocations à la Muse, à Hélios, à Némésis, etc., les découvertes récentes (depuis 1880) : chanson gravée sur le monument funéraire de Tralles, chœurs d’Euripide retrouvés à Vienne sur un papyrus appartenant à l’archiduc Régnier, hymne de Delphes, etc., nous indiquent un parti pris de notation de près de deux tons trop élevée.

Chaque printemps, à Athènes, à l’occasion des fêtes dionysiaques, se donnaient des représentations théâtrales solennelles, pendant lesquelles trois poètes-musiciens dramatiques étaient admis à concourir. L’archonte fournissait à chacun d’eux un chœur de quarante-huit hommes, personnel que l’auteur était tenu d’instruire, de même qu’il avait à faire répéter les acteurs : ceux-ci lui étaient désignés par la voie du sort, à moins qu’il n’eût déjà engagé lui-même les interprètes de son œuvre. Tous les frais de la représentation restaient à la charge d’un riche citoyen qui recevait en compensation le titre de « chorège ». Les quarante-huit choristes constituant le personnel chantant et dansant mis à la disposition de l’auteur, ne formaient pas une masse unique appelée à participer simultanément à l’exécution de l’œuvre entière : le poète-musicien les divisait en quatre chœurs de douze personnes, ayant chacun son chef ou coryphée, chacun d’un caractère vocal et « orchestique » bien défini. Lorsque le chœur simple faisait face au spectateur, il y avait quatre personnes de front, trois dans le sens de la profondeur, les meilleurs choristes ainsi que le coryphée ayant place au premier rang, le plus près du public.

Ce n’est qu’à dater de la conquête macédonienne que les théâtres restent ouverts toute l’année. Philippe, ayant pu constater l’enthousiasme des Hellènes pour les spectacles lyriques, se dit fort judicieusement qu’un peuple qu’on amuserait beaucoup songerait moins à se plaindre. Alexandre suit l’exemple paternel et inaugure un système de fêtes sans pareilles jusqu’alors. Aux jeux funèbres en l’honneur d’Éphestion, trois mille artistes sont convoqués à Ecbatane. A Suse, à l’occasion de son mariage avec la fille de l’infortuné Darius, trois grands jours de musique et de spectacles : d’abord concours de virtuoses, ensuite concours de sociétés chorales, enfin grande lutte dramatique entre trois troupes de tragédiens, trois troupes de comédiens, chacune ayant son maestro, ses chœurs et son orchestre.

Mais ce n’était déjà plus l’art sévère et pur d’autrefois : on commençait à oublier Eschyle ; Sophocle et Euripide ne se maintiennent dans la