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REVUE DRAMATIQUE

VAUDEVILLE : Viveurs, comédie en quatre actes, par M. Henri Lavedan. — RENAISSANCE : Amans, comédie en quatre actes et cinq tableaux, par M. Maurice Donnay.

Les deux pièces que jouent en ce moment le Vaudeville et la Renaissance, avec un succès que je m’empresse de constater, présentent de frappantes analogies. Elles sont, sinon peut-être de même qualité, du moins de même genre. L’auteur de Viveurs et celui d’Amans écrivent l’un et l’autre à la Vie parisienne ; M. Henri Lavedan est suffisamment connu, et j’ai eu l’occasion de dire ici même le cas que je fais de son grand talent. M. Maurice Donnay a été l’un des fantaisistes les plus appréciés du Chat-Noir, et il est, sauf erreur sur ce point d’histoire littéraire, l’inventeur de la fable-express. M. Donnay a plus de goût pour les grâces compliquées et fuyantes de l’ironie ; M. Lavedan sait mieux faire cingler la satire. M. Donnay est poète et son dialogue s’accompagne en sourdine d’on ne sait quelle musique de langueur et de volupté ; M. Lavedan est moraliste. Ils sont tous deux par profession des hommes d’esprit. Nous pouvons donc, d’après les spécimens que nous en apportent ces écrivains autorisés, nous faire une idée de ce « genre parisien » qui certes ne date pas d’aujourd’hui, mais auquel va la faveur, et qui est, semble-t-il, le dernier cri de la modernité au théâtre.

Ce qu’il y a d’abord de bien parisien dans le théâtre parisien, c’est le décor. Nous sommes tout de suite avertis que le lieu de la scène est à Paris et non pas ailleurs. C’est le salon d’essayage du couturier en renom, celui de Doucet, pour être tout à fait précis, et non pas celui de tel autre parmi ses rivaux fameux. C’est la salle commune d’un restaurant de nuit. C’est le salon d’attente du médecin des dames. C’est le hall ou c’est la salle des fêtes d’un petit hôtel de femme galante dans les quartiers neufs : on pend la crémaillère, on soupe par petites tables, l’orchestre des tziganes sévit. Il est aisé de voir que cette mine est inépuisable. On pourra une autre fois nous mener chez la modiste, chez la lingère, chez la corsetière, chez la manucure ou chez la