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l’amélioration ; cependant cette amélioration est incontestable, et, si les recettes et les dépenses ne sont pas tout à fait en équilibre, malgré les assurances contraires qu’a données le ministre du Trésor, l’écart entre les unes et les autres notablement diminué. Avec quelques artifices de comptabilité, on arrive presque à le faire disparaître. Il est fâcheux seulement que, pour atteindre ce résultat, le gouvernement ait renoncé à la réforme du cadastre, préface de la péréquation de l’impôt foncier. Cet impôt est établi dans les conditions les moins équitables, et cela au détriment de toute l’Italie du nord. La réfection du cadastre avait été promise comme un acte de justice ; mais elle coûte plus de 10 millions par an, et M. Sonnino a cru devoir en faire l’économie. Toutes les économies ne sont pas également bonnes à faire. On accuse déjà beaucoup trop M. Crispi de gouverner avec une partialité marquée en faveur de l’Italie méridionale et de la Sicile dont il est originaire, et il n’est jamais bon dans un pays, surtout lorsque son unité est d’origine récente, de laisser naître des oppositions d’intérêt entre le Nord et le Sud.

L’impression produite par le discours de M. Sonnino n’en a pas moins été très bonne, et le gouvernement s’est montré habile en envoyant en quelque sorte au-devant de lui ce messager de bonnes nouvelles. On s’attendait à des séances orageuses. M. Cavallotti les avait annoncées, mais il s’est trouvé indisposé au moment de lancer contre M. Crispi ses véhémentes apostrophes. Auraient-elles porté coup aujourd’hui plus qu’autrefois, même si la Chambre, ce qui est peu problable, avait consenti à les entendre ? Nous n’en croyons rien. La Chambre a son parti pris, son siège fait. Elle a été réélue avec le mandat d’étouffer ces mauvaises affaires ; elle les étouffera. C’est juste le contraire de ce qui se passe au Palais-Bourbon où, tous les six mois, on éprouve le besoin de recommencer à faire la lumière, et il faut d’ailleurs convenir que notre exemple est peu encourageant, car plus on parle de lumière, et plus l’obscurité augmente. Les premières discussions de la Chambre italienne ont donc été purement politiques. Parmi les discours qui ont été prononcés, le plus remarquable est celui du marquis di Rudini. Il a fait, en termes mesurés mais pressans, le procès de la politique intérieure et extérieure du gouvernement. Au dedans, trop d’arbitraire ; au dehors, trop d’esprit d’aventure. C’est surtout à la politique africaine du cabinet actuel que M. di Rudini a adressé ce dernier reproche, que les événemens n’ont pas tardé à justifier. Mais, en attendant, M. Crispi et son ministre des affaires étrangères, M. le baron Blanc, ont repoussé de très haut, avec beaucoup de dédain, toutes les attaques de l’opposition. L’éloquence de M. Crispi est connue : c’est la mégalomanie appliquée à la rhétorique. M. Crispi procède par affirmations déconcertantes à force d’être hardies. C’est ainsi qu’après avoir, à propos des affaires d’Orient, fait