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La découverte du bacille de l’influenza, et de son inoculabilité, est la démonstration scientifique du rôle prédominant de la contagion dans la transmission de cette maladie exotique. A vrai dire, et dès le début de la pandémie actuelle, ce rôle, jadis si discuté, ne faisait plus le moindre doute. La nouvelle et déjà si féconde orientation des sciences médicales, les grandes leçons de la récente épidémie cholérique, donnaient irrémédiablement le coup de grâce aux théories anti-contagionnistes soutenues, non sans éclat, par toute une génération d’anatomo-pathologistes. Ceux-ci objectaient, avec une insistance trop longtemps victorieuse, que la prodigieuse rapidité d’allure de la grippe et du choléra excluait par elle-même toute idée de contagion. Ne les voyait-on pas, l’une et l’autre, faire simultanément explosion à des distances infranchissables aux moyens de locomotion les plus accélérés ? Interprétation erronée, tant soit peu suspecte de parti pris. L’instructive observation de l’épidémie régnante en a fait, presque d’emblée, prompte et facile justice. Jamais la grippe, pas plus que le choléra, n’a gagné de vitesse sur nos express ; jamais elle ne s’est montrée, le même jour, dans des villes séparées par de longues distances ou dépourvues de relations postales, terrestres, fluviales ou maritimes. Toujours, au contraire, il a été possible de la suivre d’un centre à un autre ; subordonnant ostensiblement sa marche à celle des grands courans internationaux, débarquant, avec les passagers ou les marchandises, dans les îles précédemment indemnes ; introduite enfin, dans les campagnes ou les habitations isolées, par l’arrivée de personnes venues de localités atteintes. Telle est, résumée en quelques mots, la consciencieuse enquête ouverte et confirmée, d’un commun accord, par les épidémiologistes des deux mondes.

Quels sont les agens directs de cette contagion ? L’élément le plus actif en est, avant tout, la virulence intensive du microbe pathogène. A défaut d’expériences de laboratoire, l’excessive rapidité de dissémination de l’influenza — dans une maison, dans un quartier, dans un vaste établissement — fournirait surabondamment la preuve de cette quasi-instantanéité de transmission, que le choléra seul dispute à la grippe épidémique. La maladie est à peine signalée que les cas surgissent par centaines. En quelques jours le tiers, parfois la moitié, d’une nombreuse population lui paie docilement tribut. Ce fait, si caractéristique et si saisissant, révèle en même temps l’existence des innombrables intermédiaires qui, par une complicité sans limites, assurent et précipitent l’invasion du bacille grippal. C’est d’abord le malade lui-même, dont tous les produits sont contaminateurs,