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avec toute la cour, que le ministère disposoit de 900 000 écus outre les revenus ordinaires, que Sa Majesté avoit réuni, en si peu de jours, une armée de 25 000 fantassins et de 5 000 cavaliers, et qu’il y avoit des troupes dans toutes les provinces du royaume pour étouffer toute tentative de rébellion. » Dans une autre lettre du même jour, le nonce donne, d’après le duc de Guise lui-même, qui va prendre le commandement de l’armée de Champagne, des détails plus précis encore sur la composition de cette armée improvisée et porte le chiffre de l’infanterie à 30 000 hommes, dont 4 000 Suisses, 4 000 lansquenets, 3000 Liégeois et 4 000 Hollandais, ceux-ci en échange des 4 000 hommes que le roi de France entretenait habituellement en Hollande ; en outre, il y aura 1 200 cavaliers allemands et 500 du pays de Liège. Tout le reste est Français. Le duc dit qu’il dispose de 40 pièces d’artillerie avec tout le nécessaire pour le service de son armée.

Ces troupes, formant l’armée principale et opérant dans l’Ile-de-France et en Champagne, étaient sous le commandement du duc de Guise. Comme on n’avait aucune confiance dans ses capacités militaires, on lui avait adjoint un homme qui passait pour un brave soldat, Thémines. Une autre armée opérait dans le Maine et le Perche, sous les ordres du comte d’Auvergne. Elle reçut l’ordre de se rabattre au besoin sur l’Ile-de-France. Enfin, Montigny, à la tête d’un petit corps de troupes, devait s’emparer des places du Nivernais.

Il semble qu’à ce moment Nevers ait pris peur, et qu’il ait voulu s’accommoder ; il fit faire des ouvertures à Paris, par l’intermédiaire de sa sœur, la duchesse de Longueville, qui en parla au nonce ; mais celui-ci se sentait sans influence. La duchesse s’adressa elle-même à Luçon. Elle le trouva très boutonné et dur. La reine, excitée par lui, ne décolérait pas contre Nevers. Richelieu écrivait lui-même : « Il y a apparence que ces remuement ne se termineront pas par un traité, comme ont fait ceux du passé, le roi se mettant en état de ranger à la raison ceux qui s’en sont éloignés. »

Bentivoglio, de plus en plus pessimiste, dépeint l’état d’esprit des ministres, l’excitation réciproque, et indique les suites funestes qu’on peut déjà prévoir : « Les conseils violens l’emportent. On court précipitamment aux armes. La reine est pleine de rage du manifeste des princes, où d’Ancre est déchiré si cruellement, et par conséquent elle-même ; elle n’a à qui se fier. Il n’y a près d’elle aucun homme de valeur, ni pour commander les troupes, ni pour négocier ; l’argent manque. Sa cause est détestée, parce qu’on la considère comme celle du maréchal. Guise, qui est à la tête des troupes de la reine, me disoit lui-même qu’il ne se faisoit