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Dites-moi un peu, ami, si messieurs les imprimeurs se f… de moi. Je n’ai pas eu encore les épreuves, qui sont composées depuis quatre jours. Faites-moi le plaisir de gronder vos agens de ma part, mais très sérieusement.

Si vous n’êtes pas le plus renforcé sybarite que je connaisse, je vous prierai de venir ce soir. J’ai à parler avec vous logement et ménage. Les pauvres femmes sont si sottes que, lorsqu’elles n’ont pas de mentor naturel ou lorsque, comme moi, elles les ont envoyés promener, il faut qu’elles s’en donnent de choix.

Je vais prier Dieu pour qu’il pleuve moins.

Toute à vous de cœur.

J. BECARD.

Ce bas-bleu cavalier en vint heureusement à ses fins et vit paraître, à la librairie Renduel, un beau jour de l’année 1834, cet Accès de fièvre, le premier livre qu’elle ait pu faire éclore, et le dernier. Quel triomphe sur sa bonne amie de Saint-Surin ; mais quel désenchantement si elle avait pu soupçonner ce qu’un critique important pensait de son livre et disait d’elle-même à Renduel !

Il paraît, mon cher ami, que vous n’avez pas lu mon dernier billet. En voici la substance :

Si vous consentez à me délivrer de Mme B…, je vous offre en échange deux volumes nouveaux et vous demande un an pour les faire, c’est-à-dire jusqu’au 31 mars 1837. — Je renonce à la réimpression de mes Portraits littéraires. — J’espère que vous pourrez m’envoyer demain matin un mot de réponse. — Et si vous acceptez. je vous remercie et suis encore votre obligé.

T. à v.

GUSTAVE PLANCHE.

Mardi.

Renduel dispense-t-il Planche de parler d’Un accès de fièvre ou celui-ci se libéra-t-il lui-même de cette corvée ? Toujours est-il qu’aucun ouvrage du célèbre critique ne parut chez Renduel et que l’irascible Juliette put rester persuadée que son livre avait soulevé partout, dans le monde et dans la presse, une admiration sans bornes.

Entre tant d’écrivains dont nous avons suivi les rapports littéraires et financiers avec Renduel, plusieurs, Sainte-Beuve, Nodier, Pétrus Borel, Janin, Paul de Musset, se distinguent par le tour élégant qu’ils savent donner aux billets traitant des choses les plus vulgaires ; d’autres, comme Latouche et Gautier, révèlent rien qu’en deux lignes leur humeur irascible ou gouailleuse ; mais presque tous n’écrivent que des lettres assez courtes. Deux seulement se plaisent, dans le nombre, à rédiger de longues missives : l’un, Gérard de Nerval parce qu’il voyage ; l’autre parce qu’il est comme en exil au fond de la province. Aussi ce dernier